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ANNÉE 1782.

qui le concernait. Il te dit mille choses et te prie de faire passer l’incluse à Longpont. Bienvenus soient chocolat, cacao et le reste dans son temps ; je ferai fête à toutes ces choses ; mais non à tes remèdes dont je n’ai plus que faire. Je savais l’un des deux depuis long-temps, sans y avoir pour cela mieux songé dans l’occasion ; Je suis au mieux, mon bon ami ; si tu t’avises encore de te tourmenter, je crois que je prendrai la poste à mon tour pour aller te prouver combien tu aurais tort. Ta mauvaise humeur contre mon petit médecin ne vient pas à propos ; imagine-toi qu’avant de lire tes doléances, j’avais passé une heure et demie avec ce docteur à causer très joliment sur son état et mille autres choses ; je venais de prendre une idée très avantageuse de sa bonne foi, de l’honnêteté de son âme, de la solidité de son jugement, comment pouvais-je trouver tes réclamations ? Il peut n’être pas bien savant, et j’avoue que la situation de sa femme est un terrible argument contre lui, mais il a un sens droit et, je crois, des vues désintéressées. Il convient que la médecine est fondée, en plus grande partie, sur des conjectures et que l’expectante est la seule qu’un homme droit et prudent doive pratiquer, que les drogues, ordinairement pernicieuses, ne doivent être administrées qu’avec la plus grande réserve ; que l’étude du tempérament et des fantaisies du malade, le régime et les avis propres à rétablir le calme dans l’esprit, sont les principaux objets et remèdes que le médecin ait à considérer et à employer, etc., etc. Que te dirai-je ? Il m’a paru aussi franc que raisonnable, ses raisonnements entraient dans mes principes ; je l’estime davantage et j’ai pris quelque degré de confiance depuis cet entretien. Nous avons parlé de la chimie tant cultivée aujourd’hui, et des gens à réputation dans ce genre…… Il me parait bien plus partisan de Stahl[1] que de M. Sage[2], à la différence de son ami L’Apostole, qui ne jure que par

  1. Stahl (1660-1734), célèbre par sa théorie du Phlogistique. Son traité Fundamenta chimia dogmatica et experimentalis avait été traduit, Paris, 1767, 6 vol. in-12, par Demachy, l’ami de Roland.
  2. Sage (1740-1824), membre de l’Académie des Sciences (1770), était alors professeur de métallurgie et de minéralogie docimastique à l’Hôtel des Monnaies (Alm. royal de 1783, p. 338).