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ANNÉE 1782.

comme les siens. Elle fait ma lessive avant de partir, des confitures de gelée de pommes pour remonter ma provision que nous avons entamée de bonne heure, mille autres petites choses utiles et agréables. Je l’aurai toujours sous ma main à volonté pour toutes les occasions possibles, elle s’y offre sincèrement même dans le cas où je me trouverais sans cuisinière, pour me servir en attendant. Celle que j’ai est propre, plus posée que la précédente, passablement entendue et assez douce ; mais ce n’est pas de la vieille roche, ce n’est point une Marie-Jeanne à laquelle on puisse tout confier ; il faut au contraire tout veiller et conduire, pour la bonne économie ; elle me paraît de bonne volonté, et je l’habitue à être tenue de court.

Je ne reviens pas de ce que tu me dis ; une lettre impertinente du Longponien[1] ! Je ne conçois pas cela, je n’y vois absolument rien.

As-tu ton livre enfin[2] ? Pour moi, je n’entends pas plus parler du relieur que des libraires ; quels pays et quels habitants ! Je ferais bien chorus : O quando ! … Tous tes gens sont ce que je les estime, bons à jeter aux chiens ; c’est une pitié que ces petits importants qui font mille questions dont ils n’attendent pas les réponses, et qui ne se soucient de rien moins que des choses qu’ils ont l’impertinence d’ordonner. Je t’accompagnerai loin d’eux, de grand cœur, pour aller cultiver notre champ.

Tu te couches bien tard, mon ami, tu te fatigues sans songer à moi à qui tu recommandes tant de ménagements ; nous aurons bien gagné à dorloter une moitié si l’autre s’oublie comme tu fais ! Prends garde à ne pas me chagriner et souviens-toi que cela ne peut manquer d’arriver si tu te tourmentes de quelque manière que ce soit.

Plus sage que toi, je vais me coucher à dix heures ; j’ai soupe avec des haricots verts de ma provision que j’ai voulu éprouver et qui sont aussi bons qu’ils peuvent l’être.

  1. Roland avait écrit, dans sa lettre du 30 décembre. : J’ai reçu du Longponien la lettre la plus impertinente qu’il soit possible d’imaginer ; je lui ai répondu sur le champ et sur le ton que tu peux penser ; tu verras l’une et l’autre, mais je n’irai pas [ à Longpont  ]…
  2. Les Lettres d’Italie