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vée le même jour. Encore m’as-tu grondée sans me dire grand’chose d’ailleurs. Comment te portes-tu ? Que te fait l’Esculape ? Fais donc avec moi une petite causerie qui nous rapproche et me fasse oublier un instant que tu es à vingt-huit lieues de moi.

Sais-tu que M. de Sélis[1] est nouvellement admis au nombre des associés étrangers de l’Académie de Berlin, par Sa Majesté Prussienne, à laquelle il avait envoyé ses ouvrages ?

J’ai expédié ce matin les dépêches aux intendants du commerce ; il était impossible de faire le paquet en ouvrant le petit livret à l’article du mémoire qui se trouve au commencement ; il est ouvert au milieu. Le mémoire est indiqué d’ailleurs à ne pas s’y méprendre, et je crois mon arrangement bon : au moins, n’ai-je pas su en faire d’autre.

La signora d’Eu vient souvent avec son fidèle, disant qu’elle viendrait davantage et pour plus longtemps (Dieu m’en préserve !), si elle

  1. Est-ce par ironie que Madame Roland écrit de Sélis ? Nicolas-Joseph Sélis (1737-1802) avait été nommé en 1762, lorsqu’on renvoya les Jésuites, professeur de troisième au collège d’Amiens, en même temps que Delille était nommé professeur de seconde (Inventaire de la Somme, B. 382 et 383). C’est l’avocat Jean-Baptiste-François Morgan, échevin, qui avait été chargé par la ville, pour parer à l’embarras où le renvoi des Jésuites mettait le collège, d’aller faire à Paris cette levée de professeurs (ibid, C. 1546). Sélis ayant eu à essuyer, « pour plusieurs irrégularités de conduite », des réprimandes de la part d’un des administrateurs du collège, Houzé, le receveur des tailles de l’Élection, il le tourna en ridicule dans une pièce de vers de l’Almanach des Muses de 1775, p. 97. Les officiers municipaux prirent fait et cause pour Houzé, et portèrent plainte contre Sélis au Garde des Sceaux (Inventaire d’Amiens, AA, 27. fol. 173, lettre du 13 janvier 1775). Le professeur, pour conjurer l’orage, écrivit aux officiers municipaux, le 18 janvier, une lettre de désaveu : « … Je n’ai point eu intention d’offenser M. Houzé … mon unique dessein a été de faire un portrait en l’air » (ibid, AA, 33, fol. 140).

    Sélis, après un petit roman sentimental avec une fille de l’avocat Morgan (voir plus loin, lettre du 26 août 1783), épousa une nièce de Gresset (Biog. Rabbe), puis fut appelé, sur la recommandation de son ancien collègue Delille, à la chaire d’éloquence du collège Louis-le-Grand (ibid). En 1785, il était directeur du Musée de Paris (Mém. secrets, 18 décembre). Il mourut suppléant de Delille dans la chaire de poésie latine du Collège de France.

    Nous le retrouverons dans la suite de la Correspondance (lettre des 25 et 26 août 1783).

    Sa nomination d’associé à l’Académie de Berlin dut faire envie à Roland.