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car je n’ose me fier a ce lutin incarné. J’ai grand’envie que M. de Név[ille][1] revienne à Paris et te laisse enfin les mains libres.

Quel travail que de produire au jour ses enfants ! Adieu, mon bon et tendre ami, je vois que l’affaire des Lettres ne prend pas une tournure aisée ; c’est un malheur qui ne nous empêchera pas d’être heureux. Je t’embrasse et suis toute à toi !


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[À ROLAND, À PARIS[2].]
30 décembre 1781, — [d’Amiens.]

Je fais à toi cette confidence, bien persuadée que tu ne viendras pas nous causer de nouvelles frayeurs. Quoi qu’il en soit de l’aventure et du bruit fort distinct, très singulier, je fais accommoder demain mes serrures. Celle de la porte cochère dont on a raccommodé la clef, il n’y a pas six semaines, est dérangée depuis quelques jours à ne pouvoir se fermer que très difficilement. Je ferai aussi arranger celle de la porte de la petite salle, au bas de l’escalier. Je dois t’ajouter qu’au jour, ayant visité le jardin, je l’ai trouvé très remué, mais sans traces nouvelles remarquables ; j’avais regardé à travers les vitres, lorsque nous étions descendues pour notre expédition ; il faisait encore trop sombre pour que l’on pût rien distinguer. Ce qu’il y a de bon, c’est que mes filles ont pris tant de confiance dans mon air décidé, qu’elles n’auront plus peur avec moi ; le pistolet seul les effraye un peu : pour rien au monde, on ne ferait approcher Marie-Jeanne du bureau où elle m’a vu le placer.

Tandis que je te fais mes contes, tu galopes dans Paris et tu ne m’écris guère ; sais-tu bien que voilà dix jours d’absence et que je n’ai reçu que deux lettres, car je confonds la contre-signée avec celle arri-

  1. Directeur de la librairie.
  2. Ms. 6238, fol. 170-171. — Le commencement manque. La date a été ajoutée par une main inconnue.