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[À ROLAND, À PARIS[1].]
[ 29 décembre 1781, — d’Amiens.]

…les intestins. Je n’y vais qu’en tremblant. J’ai pris hier de la soupe à l’oseille qui m’a fait beaucoup de bien.

Voilà bien des histoires de drogues et de mangeaille ; aurais-tu pensé lire jamais pareilles choses sans dégoût ? Comme l’amitié transforme et sait jeter de l’intérêt sur les objets les plus communs ! Je te vois d’ici, écoutant tous mes petits détails avec une attention qui m’émeut et me pénètre.

Il fait un temps affreux, pluie à verse, vent terrible ; rien n’est si triste que notre ciel, à moins que ce ne soit la terre qu’il couvre. Tout cela ne favorise pas extrêmement un prompt rétablissement ; patience et discrétion l’amèneront malgré tout. Je vais m’occuper d’une petite lessive pour l’enfant, pendant que j’ai ma garde dont les soins surveillants me dispenseront d’en donner quelques-uns.

Ma petite se porte bien ; elle dort des cinq à six heures de suite et fait d’excellentes digestions. C’est une douce consolation. Elle n’est pas grandie d’une ligne depuis un mois ; je l’ai mesurée hier ; elle n’a qu’environ 23 pouces ; c’est très petit pour tantôt trois mois. Toujours elle tient ses petits genoux relevés comme ils étaient dans mon sein. Elle commence à vouloir jargonner ; elle regarde sa bonne, rit, et fait un petit bruit avec son gosier et sa langue quelle agite, comme cherchant à nous imiter. Elle est demeurée hier trois heures de suite sur nos genoux, fort éveillée, s’amusant à nous regarder tour à tour avec beaucoup de gaieté ; je m’en suis portée une fois mieux.

Enfin le Hd [Houard] te laisse tranquille, au moins en apparence ;

  1. Ms. 6238, fol. 169. La place de cette lettre au manuscrit, entre la lettre du 28 décembre et la lettre du 30 qu’on va lire, ainsi que l’indication « tantôt trois mois » semblent nous donner sa date. — Le début de la lettre manque.