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commencement de l’année ; car, malgré ma tendresse pour ces cher parents dont les amitiés me touchent aux larmes, je n’ai de force que pour toi et j’ai besoin du far niente durant quelques jours. Je continuerai la marche que j’ai prise pour te donner de mes nouvelles ; ne la préfères-tu pas à avoir chaque matin un billet qui ne pourrait étre qu’un bulletin ? Que veux-tu que fasse avant midi une femme qui sort du lit a neuf heures, quelquefois plus tard, quand les choses ne vont pas très bien ; qui a besoin à sa toilette pour chasser les petites bêtes restes opiniâtres de la maladie ; de là à la chambre de l’enfant, faire sa soupe et roder autour de lui, pendant qu’on range mon appartement où je ne viens guère m’établir avec le berceau, ma table et mon ecritoire, qu’à onze heures. Joins à cela les survenants, etc. et juge si je pourrais causer à mon aise avant le départ du courrier ? Il m’est bien plus doux d’employer à cette charmante occupation une partie de l’après-dîner, cela me console et m’amuse ; j’ajoute un mot le matin du départ, et tu es aussi bien informé qu’il soit possible.

Ma cuisinière nouvelle[1] est entrée ce matin ; tout ce que j’en sais,

    Madame Roland avait fait la connaissance dans son séjour à Villefranche, de septembre à octobre 1780, était chanoine de la collégiale ; il venait d’être ou allait être reçu membre de l’Académie de Villefranche (voir Alm. de Lyon, 1785). En 1787, nous le trouvons directeur de l’Académie et aumônier des « Chevalier de l’Arc » et des « Chevaliers de l’Arquebuse », les deux sociétés de tir bourgeoises de la petite ville. Ses rapports avec les Roland lorsque ceux-ci allèrent habiter Villefranche, se refroidirent beaucoup. — Son frère, Jean-Baptiste Pein, avocat, capitaine-enseigne de la milice bourgeoise en 1787, se jeta très avant dans la Révolution, et fut à Villefranche, le chef du parti opposé à celui de Roland. Voir la-dessus une lettre adressée à Madame Roland, du 13 avril 1791, que nous avons publié dans la Révolution française (août 1896), et une lettre de Roland à Champagneux, du 6 juillet 1791, cité par M. Faugère (I. 355). Il n’en fut pas moins guillotiné à Lyon, le 5 décembre 1793. — Un autre membre de la famille, Louis Pein, probablement frère des précédents, était procureur de la sénéchaussé et notaire, major en survivance de la milice bourgeoise ; en 1788, à l’assemblée provinciale du Beaujolais, le secrétaire-greffier est « M. Pein notaire royal et procureur à Villefranche » (Alm. de Lyon, de 1785 à 1788, passim). Nous le voyons reparaître, en sa qualité de notaire, en 1795, lors de la levée des scellés apposés sur les biens des Roland pendant la Terreur (voir Appendice K).

  1. Elle se nommait Marianne. — Voir lettre du 8 janvier 1782.