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dire plus long. Ménage-toi, sois tranquille et recommande à l’hôte qu’on ait soin de tes lettres.

Adieu, mon ami, je suis bien empressée d’avoir de toi d’autre nouvelles et de te savoir plus content.


29

[À ROLAND, À PARIS][1].
Vendredi au soir, 18 décembre 1781. [D’Amiens.]

Bon Dieu ! que l’expression de tes inquiétudes m’a tourmentée ce matin ! Je me suis d’abord figurée que tu n’avais reçu aucune nouvelle, et que ma première lettre du dimanche 23 était égarée perdue, par je ne sais quel accident. Mais, en y réfléchissant, je juge qu’elle t’est parvenue, et que ton impatience t’a empêché de songer que, prenant ensuite la voie des bureaux, tu devais, pour cette foi seulement, subir un jour de retard. Si je m’étais sentie moins bien le lundi, je n’aurais pas manqué de t’écrire indépendamment ; mais j’étais merveilleusement ce jour-là : ce n’est que depuis, que j’ai ressenti quelques coliques. Je ne sais si je dois être fort contente de ma médecine d’hier ; il est vrai qu’elle m’a bien purgée, mais, en agitant les intestins, elle a renouvelé mes douleurs. J’ai eu une journée laborieuse ; je me suis mise au lit à sept heures, très fatiguée ; j’ai pris deux œufs, et le sommeil est venu tout seul avant neuf heures. J’ai reposé tranquillement jusqu’à deux, que les coliques sont revenues ; rien de ce que je rends n’annonce le retour de la maladie, c’est de la bile pure. Un lavement à l’huile m’a calmée ce matin. J’ai dîné avec une douzaine d’huîtres qui m’ont paru fort bonnes, mais fort petites, fort maigres, et faisant véritablement un petit dîner. Je suis très bien cette après-midi. Je me flatte que l’émotion du purgatif est la cause de mes derniers maux et que je vais enfin reprendre des forces.

  1. Ms. 6238, fol. 167-168.