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ami, je t’aime et t’embrasse de toute mon âme. Mille choses au compagnon fidèle.

Je reçois, mon ami, ta lettre du 26[1] ; tu sais présentement que j’ai reçu aussi la précédente. J’ai hâte d’en avoir une autre de toi où tu m’entretiennes de ta santé et de ce qui s’est passé. Adieu, cher ami, songe que j’ai besoin de tes nouvelles.


24

À ROLAND, À PARIS[2].
29 [novembre 1781]. — [timbre d’Amiens.]

Je reçois ta lettre, mon bon ami, et j’y réponds directement, car j’ai quelque chagrin à te communiquer, et mon cœur est pressé de s’ouvrir avec toi. Ne vas pas t’émouvoir et t’affliger : tu dis toi-même qu’il ne faut jamais perdre la tête ; si tu t’affectais, ce serait le pis de nos maux. Je ne me porte pas bien ; le dévoiement que je croyais passé est revenu avec un petit accès de fièvre, ce n’est rien que cela ; avec des soins, des ménagements, j’en serai quitte aisément. Mais ma douleur, c’est que mon lait se perd et qu’on me défend de donner le peu qui m’en reste, et qu’il faut cependant tirer. J’ai l’alternative de nourrir mon enfant à l’eau d’orge coupée avec du lait ou de faire venir une nourrice, ce que les docteurs disent être mieux.

Tu devines assez ce que je sens. Guide-moi, conseille-moi, dans cette perplexité. Réponds-moi, ne te tourmente pas, je te donnerai souvent de mes nouvelles ; suis tes affaires et n’altère pas mon courage par ton trouble.

Adieu, cher et bon ami, je ne t’en dis pas plus long aujourd’hui. Mes filles sont d’un zèle et d’une affection à faire tout oublier.

Mille amitiés au fidèle Achate.

  1. La lettre de Roland du 26 novembre 1781 (ms. 6240, fol. 103-104).
  2. Ms. 6238, fol. 156-157).