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pas près d’être expiré. D’ailleurs il y a un mieux sensible, et Mme de Chuignes, quoique changée, se sert de ses membres, souffre moins et va librement dans sa maison. Il est constant que dans le cas ou ces remèdes n’opèrent pas tout l’effet qu’on en attend, du moins ils ne sont jamais nuisibles ; d’où je conclus qu’on a raison d’en essayer, et que tu peux en espérer davantage que bien d’autres, parce que le mal chez toi ne fait que de naître.

Lhomond est venu dimanche avec le dessin sans explication ; il avait un petit modèle du métier sur lequel j’ai taché de travailler moi-même, afin de comprendre assez bien pour décrire ; mais le défaut des termes propres est un grand inconvénient et nuit à la clarté. Lhomond m’a offert de me donner cette description, sa femme promettant de [l’écrire], car il n’a pas le courage de tenir jamais la plume, même pour signer son nom. Ils se sont engagés à faire tranquillement cet ouvrage le même soir et de me le rapporter le lendemain. Il me paraissait que le sr Lhomond ne se souciait pas de faire voir son impéritie ou sa paresse à dicter. Je ne les ai point vus hier, je les croyais déjà partis : ils sont venus aujourd’hui ; les circonstances n’étaient pas heureuses, j’étais au lit. Toujours point d’explication, disant qu’ils n’avaient pu la faire ; ils s’y sont mis et, après avoir longuement fait celle du métier, la paresse de Lhomond lui a fait songer que tu pourrais voir le reste à Paris, chez un fabricant dont il m’a donné l’adresse. Tu trouveras tout cela ici joint.

J’ai vu dernièrement Mlle Sophie C[annet] que j’avais invitée pour avoir occasion de lui parler du père de Rosette, qui désirait être recommandé à M. Delahaye, père de charité de sa paroisse[1]. L’intime liaison de Sophie m’offrait des facilités, je les ai employées ; ces bonnes gens seront recommandés sans que j’y paraisse ; ils désireraient aussi faire ressource du côté de M. d’Eu ; je verrai.

Tu n’en auras pas davantage aujourd’hui ; adieu, mon cher et bon

  1. Voir Almanach de Picardie, 1781, p. 6, sur les bureaux de charité institués à Amiens depuis 1778. Les Delahaye étaient une famille de riches négociants d’Amiens, bien apparentés. L’un d’eux était alors « lieutenant de maire ».