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du peintre aurait été singulièrement infidéle. Rien ne ressemble moins aux portraits, plus exacts à des degrés divers, dont nous allons parler.


§ 3.

Ce sont d’abord les portraits de Pasquier, de Bonneville et de Fouquet.

Pour établir que celui de Pasquier date de 1792, nous prions le lecteur de nous suivre dans quelques déductions :

Il y a au Cabinet des estampes, deux portraits de Roland, gravès par Pasquier. Au bas du premier est un quatrain à la louange du citoyen ; dans le second, un vers a été ajouté au quatrain : « Et, grand comme Caton, disposa de sa vie ». Ce second tirage est donc postérieur à la mort de Roland. Mais, de cela même, on peut conclure que le premier est antérieur et date, non de 1793, moment où il eût été trop périlleux de représenter et de célébrer Roland, mais de 1792, alors qu’il était ministre et populaire. Nous avons d’ailleurs aux Estampes un portrait de Servan, par Pasquier, avec cette légende : « Pasquier pinx. et sculp. — Joseph Servan, maréchal de camp des armées de France, ministre de la guerre le 10 août 1792. Ingenio et virtute Salus populi », et cette gravure de Servan est identique, par les dimentions, par le procédé de travail, aux deux gravures de Roland. Toutes ont donc été faites en un même temps, à une heure où le public devait rechercher les portraits des ministres patriotes.

Or, les deux gravures de Pasquier, du Cabinet des estampes, qui représentent Madame Roland, sont absolument du même travail que ses portraits de Roland et de Servan, et par conséquent doivent avoir été faites à la même heure, c’est-à-dire en 1792. Il est vrai que le quatrain qui les accompagne[1] indique l’époque de la réaction thermidorienne. Mais ce quatrain aura été ajouté à un second tirage, comme pour Roland.

On peut en dire autant des deux gravures de Bonneville. Dans les états que nous connaissons, il semble bien qu’elles datent aussi de 1795. Mais on peut bien présumer que Bonneville, qui avait fait le portrait de Roland en 1792[2], avait fait aussi, dès la même époque, celui de la femme du ministre.

Enfin le portrait médaillon, « dessiné par Fouquet, gravé par Chrétien, inventeur du physionotrace, cloître Saint-Honoré, à Paris », doit être également de 1792. L’exemplaire qui existe au fonds Coste (n° 14895) et qui porte en légende (avec deux erreurs) « Madame Roland de La Platière, née Marie-Joseph Phlipon, immolée par les factieux le 18 novembre 1793 « est nécessairement d’un tirage postérieur. Mais l’exemplaire que nous avons vu au château de Rosière ne porte pas d’autre légende que les indications du dessinateur et du graveur, et nous savons que le physionotrace était déjà en vogue en 1792. Nous savons aussi que Madame Roland y eut recours (lettre 503, à Lavater, du 15 novembre 1792).

  1. J’étais républicaine et j’ai vécu sans crime.
    Ô mes concitoyens, ne plaignez pas mon sort !
    J’étonnais les tyrans dont je fus la victime.
    La femme de Caton devait braver la mort.

  2. Il avait paru, gravé par Aug. Saint-Aubin, dans la Chronique du mois d’octobre 1792.