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surveillance, était singulièrement compromettante pour les terroristes. Tisset comprit sans doute, un an après, qu’il avait à se la faire pardonner[1].

Il était alors « employé au Comité de surveillance du département de Paris ». Dès le 10 novembre 1793, deux jours après le cri de douleur échappé à la pauvre Fleury, il adressa à Fouquier-Tinville une longue dénonciation contre les serviteurs de Roland, le domestique Louis Lecocq [au service de Roland depuis août 1792] et la cuisinière Fleury, pour avoir tenu « des propos les plus anti-civiques » ; il indiqua les témoins à citer.

Le 12 novembre, ces témoins sont interrogés par un des juges du tribunal révolutionnaire, Subleyras.

Le 15, Tisset écrit au citoyen Fouquet de Thainville, pour lui demander si les témoins qu’il avait désignés « ont satisfait à la vérité ».

Le 19, un mandat d’arrêt est décerné contre Lecocq et Fleury. La pauvre fille, obligée de gagner sa vie et n’ayant pas à s’occuper pour le moment d’Eudora Roland, que Bosc et Creuzé-Latouche avaient placée en lieu sûr, était entrée depuis cinq ou six jours au service de Jean Lacoste, juge de paix de la section de la Montagne [Butte-des-Moulins], rue des Moulins, n° 32.

La 27 elle est interrogée par le juge Charles Harny. Ses réponses attestent autant de fermeté que de prudence ; elle s’efface le plus qu’elle peut, mais en ayant grand soin de ne charger personne :

« …À elle demandé où elle logeait pendant la détention de la femme Roland et l’évasion de son mari,

« À répondu qu’elle est toujours restée dans leur maison.

« À elle demandé si elle n’a pas vu, depuis leur évasion et arrestation, prendre de emporter des papiers et autres choses,

« À répondu que non.

« À elle demandé s’il est à sa connaissance qu’il soit arrivé des paquets à l’adresse de Roland, ministre, depuis que ce dernier n’était plus en place ou était évadé,

« À répondu que non.

« À elle demandé si elle a connaissance qu’il soit venu plusieurs personnes à la maison demander ses maîtres depuis leur absence,

« À répondu que non ; que d’ailleurs, n’ayant plus rien à faire, elle ne restait pas toujours dans cette maison, et que d’ailleurs elle n’était gardienne de rien.

  1. Le 15 octobre 1793, il comparut comme témoin à charge dans le procès de Marie-Antoinette. (Moniteur du 21 octobre ; Nouvelles politiques du 24 ; Révolution de Paris, n° 218, etc. Cf. Wallon, Trib. rév., t. I, p. 334, et Campardon, t. I, p. 133.) M. Campardon fait remarquer que, bien qu’il soit qualifié aux débats de « marchand », il était en réalité un espion de police ; ajoutons un libelliste. Il avait commencé ce métier en 1790, contre Lafayette (Tuetey, t. I, p. 155). En 1793, il entreprit une odieuse publication périodique : « Compte rendu aux sans-culottes de la République française, par très haute, très puissante et très expéditive Dame Guillotine, etc. » (voir le titre complet dans le livre de M. Campardon). Elle n’eut, d’ailleurs, que deux numéros. On trouvera, dans la France littéraire, de Quérard, la liste des autres libelles de Tisset. Il mourut en 1814, à 55 ans.