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neux[1], nous explique ce titre de « pensionnaire ». Vers la fin de 1785 ou le commencement de 1786, M. de Breteuil, désirant encourager les littérateurs et les savants, s’était fait dresser une liste de noms, à côté de chacun desquels on trouve des appréciations et une décision. Voici ce qui concerne Mentelle : « Le plus estimable géographe du siècle ; les avances qu’il a été obligé de faire pour graver ses cartes l’ont ruiné. Il a fait des emprunts usuraires. Il demanderait une somme de 20,000 livres, dont la moitié en pur don, etc… » Et le ministre écrit au-dessous : « Souscrire pour 12,000 livres. En faire l’avance. »

L’aisance dont parle Brissot avait donc déjà fait place à cette gêne dans laquelle, malgré son intarissable production de libraire, Mentelle ne cessera de se débattre. Nous connaissons d’ailleurs une de ses coûteuses entreprises. C’est un globe, de trois pieds de diamètre, représentant à la fois les divisions naturelles et politiques de la terre, qu’il fit construire « durant les années 1786, 1787 et 1788 », dit-il dans une lettre du 1er octobre 1793. Ce globe était destiné aux études du Dauphin de France, mais, cet enfant étant mort le 4 juin 1789, Mentelle demanda et obtint l’autorisation de déposer son globe dans une salle du Louvre. Nous allons le voir s’en servir pour ses cours publics de 1791 et 1792[2].


§ 2.

Lorsque éclata la Révolution, Mentelle y apporta sa petite contribution, en réclamant la liberté de la presse (Tourneux, 10133) : il était trop lié avec Brissot pour ne pas le suivre au combat. Il perdait cependant beaucoup à la victoire : places, pensions, tout avait disparu. Une lettre inédite de Mme Brissot (ms. 9534, fol. 343), sans date, mais qui doit être de 1790, représente les Mentelle « dans la plus grande gêne qui puisse exister. Madame donne des leçons, le mari fait un cours, mais le temps n’est pas propice ». Cette lettre nous apprend aussi qu’un de leurs fils venait de partir pour l’Amérique, en vue de s’y faire colon ou commerçant[3]. Brissot, qui n’était guère plus riche que Mentelle, mit du moins à son service toute la publicité du Patriote français. De janvier 1790, à la fin de 1792, nous voyons s’y succéder presque sans interruption des annonces : 1° des cartes de géographie que Mentelle met en vente, cartes d’actualité, telles que, par exemple, en septembre 1791, le comtat d’Avignon et l’île de Saint-Domingue ; en juillet 1792, les Pays-Bas ; en septembre, la Lorraine, etc… ; 2° des cours de géographie que Mentelle professe (six leçons, prix : 24 livres) d’abord chez lui, rue de Seine, no 97, puis, à partir de mars 1791, dans une des salles du vieux Louvre.

C’est sans doute aussi sur la recommandation de Brissot que Roland, devenu ministre de

  1. « Un projet d’encouragement aux lettres et aux sciences », Revue d’histoire littéraire de la France, avril-juin 1901. — La qualification donnée à Mentelle peut aussi s’expliquer autrement : il avait une pension de l’École militaire ; Il en avait aussi une autre sur le Journal encyclopédique, dont il était un des rédacteurs. (Notice, de Mme de Salm.)
  2. Ce globe est à la Bibliothèque nationale depuis 1877 (J. Guillaume, Convention, t. III, Introd., p. xcviii.)
  3. Mentelle fils, après quelques voyages, s’établit comme colon à Lexington, dans le Massachusetts. (Notice, de Mme de Salm ; Discours de Barbié du Bocage aux funérailles de Mentelle, 1815.)