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ses mains un manuscrit précieux[1], que je le prie de remettre dans deux ou trois ans à la jeune fille de la personne qui en était l’auteur, si moi je ne suis plus. Les lettres qu’il possède encore, il faudra les jeter aux flammes, dans ce cas seulement ; et je lui fais présent du portrait, comme gage éternel de mon amitié pour lui ».

Madame Roland, dans ses Dernières pensées, adressant à Buzot un suprême adieu, lui disait : « Reste encore ici-bas, s’il est un asile ouvert à l’honnêteté ; demeure, pour accuser l’injustice qui l’a proscrit. Mais si l’infortune opiniâtre attache à tes pas quelque ennemi, ne souffre point qu’une main mercenaire se lève sur toi, meurs libre comme tu sus vivre, et que ce généreux courage qui fait ma justification l’achève par ton dernier acte ».

Buzoy se donna la mort, aux environs de Saint-Émilion, en pleine campagne, entre le 19 et le 26 juin 1794[2].

Son portrait, que Madame Roland avait avec elle dans sa prison, derrière lequel elle avait écrit une notice, et qu’elle avait remis à Mentelle aux derniers jours d’octobre 1793, est aujourd’hui à la Bibliothèque municipale de Versailles.

  1. Le Voyage en Suisse de Madame Roland. (Voir lettres 281 et 297).

    Letellier, auquel toutes ces recommandations ne purent être transmises, aurait été d’ailleurs hors d’état de les exécuter. Il avait été incarcéré dès le 30 septembre. Il se tua dans sa prison le 3 janvier 1794. On peut seulement présumer que, de lui-même, lorsqu’il se sentit menacé, il avait dû brûler les lettres de Madame Roland dont il était le dépositaire, et cela suffit pour expliquer que nous n’ayons plus la correspondance de 1791 avec Buzot (pour ne parler que de celle-là).

  2. De long mois de silencieuse douleur avaient alors ramené Buzot au sentiment de ce qu’il devait à sa femme. Au cours de ses Mémoires, il lui adresse de touchants adieux (éd. Dauban, p. 101-102). Au suprême moment, quand il lui faut quitter son dernier asile, il lui écrit une lettre émouvante, que son hôte, Troquart, devait faire parvenir, et qu’il remit à Louvet en 1795 (Dauban, ibid, p. 511).