faire. Quatre de ses lettres à Bosc (27, 28 juillet, 3, 4 août), qui se trouvent dans la collection Beljame, sont infiniment curieuses. Il apprend à l’exilé que la jeune fille a été ramenée de Rouen à Paris par une des demoiselles Malortie, qu’elle est installée chez Creuzé-Latouche, mais que, de concert avec sa femme, Creuzé et Mlle Malortie, il va la mettre en pension « chez la citoyenne Moreau, qui a succédé à Mme Leprince de Beaumont », « la pension la plus convenable de Paris ». Il y a, dans ces lettres, un rare talent de gradation. Champagneux dit dans la première : « je crains bien que votre absence soit fatale à cette enfant ». Dans la seconde, il laisse espérer à Bosc que, s’il revient dans dix-huit mois, « il trouvera le cœur d’Eudora libre ». Mais dès la troisième, il ne lui dissimule plus que « sa préférence » devenait « un fardeau » pour la jeune fille, il prend acte de sa résignation « à la voir mariée à un autre », il l’en loue, et lui fait déjà pressentir qu’il songe en effet a la marier « en la confiant à de dignes mains… » Enfin, dans la dernière, il parle plus net encore : « Je vous réponds que je serai obéi à l’égal d’un père… Je ne crains plus d’étendre mes droits ». Ainsi, en huit jours, le nouveau tuteur a doucement disposé Bosc au dénouement que déjà peut-être il préparait.
Cinq mois ne s’étaient pas écoulés que Champagneux mariait Eudora Roland avec son fils Pierre-Léon, âgé de vingt ans (elle venait d’en avoir quinze). Le mariage fut célébré dans l’Isère, à Jallieu, le 13 décembre 1796.
C’est Champagneux qui en informa Bosc, dans des lettres qui nous sont signalées par un catalogue de ventes d’autographes (Vente du 21 juillet 1856, Laverdet, expert, no 1039) : « 7 lettres a.s. de Champagneux, directeur de la première division au ministère de l’Intérieur, à Bosc, Paris, an iv-vii, 18 p. in-4o. Il lui donne de longs détails sur le mariage de son second fils Léon avec Mlle Eudora, sa fille adoptive. »
La disgrâce de Benezech, destitué par le Directoire aux approches du 18 fructidor, entraîna celle de Champagneux. Il retourna de nouveau cultiver ses champs.
Il profita de sa retraite pour préparer une édition des œuvres de Madame Roland. Bosc avait dû, avant son départ pour l’Amérique, lui remettre le manuscrit des Mémoires sur lequel il avait donné son édition de 1795. Mais Champagneux ne recourut au manuscrit que pour restituer quelques traits au portrait de Lanthenas, qui venait de mourir (2 janvier 1799) et qu’il n’était plus nécessaire de ménager. Partout ailleurs, il s’en tint au texte imprimé de Bosc, approuvant ainsi ses retranchements et ses retouches, et aggravant ces libertés tantôt par d’autres suppressions, tantôt par des transpositions arbitraires. Par contre, il inséra, soit dans son Discours préliminaire, soit dans ses notes, un certain nombre de documents utiles. Il ne se borna pas d’ailleurs aux Mémoires. Il donna en outre plusieurs opuscules (Avis à ma fille, Voyage en Angleterre, Voyage en Suisse, Morceaux détachés, etc… ), et y joignit, outre le récit de sa propre captivité à la fin du deuxième volume (p. 389-440), une quinzaine de pièces importantes pour l’histoire des Roland (t. III, p. 387-434), pièces que sa situation au ministère lui avait permis de se faire communiquer aux Archives nationales. C’est par là surtout qu’il a rendu service à l’histoire.