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tut du procureur de la commune, puis, trois mois après, le 24 février 1792, sur la démission de Bret et le refus de Roland, procureur de la commune (Wahl, p. 449-451).

Nous le trouvons alors engagé dans une lutte nouvelle : depuis l’affaire de Varennes, il y avait partout scission entre les patriotes de la première heure : les uns résolus à maintenir quand même la Constitution de 1791 et une royauté sans prestige, les autres à aller à toutes les conséquences de la Révolution. Les autorités départementales étaient pour la plupart constitutionnelles, tandis que les municipalités étaient aux mains du parti avancé. À Lyon, il en fut de même : d’une part le département et le district, de l’autre, la municipalité conduite par le maire Vitet, mais principalement par Champagneux et Chalier, furent eu continuels conflits, dans lesquels la municipalité aurait succombé si l’entrée de Roland au ministère (23 mars 1792) n’était venue lui apporter l’appui décisif du pouvoir central. Là encore, nous ne pouvons que renvoyer au livre de M. Wahl (livre III, et surtout p. 473, 483, etc…), en remarquant seulement que Champagneux, pour en finir, se fit déléguer par ses collègues pour aller demander « prompte justice à l’Assemblée et au Pouvoir exécutif » — on ne disait déjà plus le Roi. — C’était le 10 mai 1792, c’est-à-dire au moment où le ministère girondin prenait l’offensive vis-à-vis du souverain (voir Avertissement de l’année 1792). La lutte se termina par un coup d’autorité : le 14 août, quatre jours après sa rentrée au ministère, Roland faisait suspendre les directoires du département et du district, et un décret de l’Assemblée transformait le lendemain la suppression en une destitution.

Champagneux avait eu pour compagnon d’armes, dans cette bataille de six mois, un autre officier municipal, Joseph Chalier, qui allait devenir, en 1793, le chef du parti montagnard à Lyon, et qui, après que les sections révoltées contre la Convention l’eurent envoyé à l’échafaud, devait partager avec Marat les apothéoses révolutionnaires. C’est un souvenir que Champagneux, lorsqu’il eut été incarcéré en août 1793 comme « l’âme damnée de Roland », ne cessa d’invoquer, avec plus d’habileté que de courage, dans ses mémoires justificatifs (voir surtout fol. 167-170).


§ 3. Au ministère.

Nous avons vu qu’il s’était rendu à Paris en mai 1792, avec une mission de la ville de Lyon. Il semble avoir profité de ce séjour pour devenir un des collaborateurs de Roland dès son premier ministère : « Je vins à Paris et je secondai ses travaux autant qu’il me fut possible » (Disc. prélim., p. xxvi). Mais c’est seulement après le 10 août que Roland, libre de remanier ses bureaux, lui fit une place en rapport avec son mérite[1]. Il lui confia la première division (ou 1er bureau), la plus importante de toutes, qui avait dans ses attributions « la correspondance avec les 83 départements de la République, etc… » (Alm. nat. de 1793, p. 129). L’emploi était considérable ; il comportait, outre le logement au petit hôtel de l’Intérieur, 8,000 livres d’appointements (voir Patriote du 2 juin 1792)

  1. C’est alors Champagneux envoya à Lyon sa démission de procureur de la commune, le 4 septembre (ms. 6241, fol. 171) ; cf. Wahl, p. 603.