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Appendice N.



CHAMPAGNEUX.

§ 1er. À Bourgoin.

Luc-Antoine Donin de Rosière-Champagneux, né le 24 juin 1744[1], à Bourgoin, appartenait à une famille considérable dans cette petite ville du Dauphiné. Son oncle, Louis Donin de Rosière, secrétaire du Roi (titre qui conférait la noblesse), greffier en chef au Parlement de Grenoble, capitaine-châtelain royal et Delphinal de Bourgoin, avait été maire en 1746 ; son père, Antoine Donin de Rosière, en 1750.

Il n’avait que 22 ans et exerçait déjà la profession d’avocat à Grenoble, lorsque la mort de son père, en 1766. le rappela à Bourgoin. Il avait six frères et sœurs à élever, des biens ruraux à gouverner. Il s’installa donc à Bourgoin, se fit nommer châtelain (avec dispense d’âge) à la place de son oncle démissionnaire en sa faveur (21 août 1767), puis maire ancien, mi-triennal de Bourgoin, Jallieu et Ruy pour neuf ans (23 septembre 1767).

L’année suivante, il recevait Jean-Jacques Rousseau à Bourgoin, et lui servait de témoin pour son mariage avec Thérèse Levasseur. « Cet honnête et saint engagement, dit Rousseau[2], a été contracté dans toute la simplicité, mais aussi dans toute la vérité de la nature, en présence de deux hommes de mérite et d’honneur, officiers d’artillerie, et l’un, fils d’un de mes anciens amis du bon temps, c’est-à-dire avant que j’eusse aucun nom dans le monde ; et l’autre, maire de cette ville et proche parent du premier. Devant cet acte si court et si

  1. Souvenirs historiques sur Bourgoin, par Louis Fochier, Vienne, Paris, 1880. C’est dans ce livre, fort exactement documenté, et dans un dossier justificatif dressé par Champagneux lui-même, durant sa détention de 1793-1794, dossier qui se trouve aux Papiers Roland, ms. 6241, fol. 160-196, que nous avons puisé la plupart des renseignements qui vont suivre. Nous croyons donc pouvoir supprimer souvent le détail des références.
  2. Lettre à M. Lalliaud, Bourgoin, 31 août 1768.

    Rousseau, dans une autre lettre, du 18 septembre suivant, à M. le comte de [Clermont-] Tonnerre, donne les noms des deux témoins : « M. de Champagneux, maire et châtelain de Bourgoin, et son cousin, M. de Rozière, officier d’artillerie… ».

    Champagneux, dans sa justification de 1793, confirme ces renseignements : « J.-J. Rousseau passa les années 1768 et 1769 à Bourgoin ou dans les environs [à Monquin]. J’étais alors maire de cette ville. Je fis les plus grands efforts pour l’y retenir et lui en rendre le séjour agréable. Je le voyais très souvent ; je l’accompagnais dans ses promenades botaniques ; il me montra de l’amitié ; il en avait eu pour un de mes oncles » (ms. 6241, fol. 176 et 190). Cf. Fochier, p. 108-109, Champagneux a raconté lui-même le séjour de Rousseau à Bourgoin, dans une notice que M. Fochier a publiée en 1860.