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3° L’organisation des Sociétés populaires, cadre de la démocratie, et foyers d’instruction commune (Patriote des 24 décembre 1790, 17 janvier, 5 et 14 février 1791) ;

4° La liberté indéfinie de la presse. C’est un principe qu’il tenait de ses amis, les quakers anglais, particulièrement de Robert Pigott, et aussi du célèbre publiciste David Williams. (Voir Patriote du 10 février 1790, et Supplément ; Cf. lettres des 13 août 1790, 5 août 1791.)

Pendant toute l’année 1791, il prêche ces idées (Patriote des 28 février, 14 mars, 4 mai 1791) ; mais c’est surtout la dernière qui l’occupe le plus. Il demande « que les délits de la presse, à moins qu’ils ne soient compliqués d’une intention prouvée de nuire à la chose publique ou à un particulier, ne puissent être punis et réparés que par l’opinion… ». (Lettre à Bancal, du 10 janvier 1791.) Il était impossible de passer avec plus de candeur à côté du problème.

Dans le salon de Madame Roland, rue Guénégaud, il avait rencontré Robespierre, et lui avait confié un manuscrit sur les sociétés populaires et la liberté de la presse (ces deux idées se tenaient dans son esprit par un lien assez logique ; son malheur, c’était de ne pas savoir mettre les choses en ordre bien apparent). Le député d’Arras, en revenant un soir de la rue Guénégaud à son logis de la rue de Saintonge, oublia le manuscrit dans un fiacre[1]. Désespoir du pauvre auteur. « C’était le travail de plusieurs mois. » Le Patriote du 17 mai publia une annonce pour réclamer le manuscrit perdu. Robespierre n’avait d’ailleurs que faire de l’élucubration de Lanthenas. La veille du jour où il l’égarait, il avait prononcé aux Jacobins, le 11 mai, un grand discours pour la liberté de la presse. (Aulard, II, 396-411.)

Quelques semaines après, Lanthenas avait refait sa brochure, et le Patriote du 10 juin en publiait une partie en supplément : « Principe sur la liberté indéfinie de communiquer ses pensées, par F. Lanthenas, docteur-médecin, citoyen français » ; puis, le 24 juillet, aux Annonces, le Patriote signalait : « De la liberté indéfinie de la presse, par F. Lanthenas… », et le 12 août publiait un compte rendu de l’ouvrage.

Le livre avait paru en effet le 17 juin ; « De la liberté indéfinie de la presse et de l’importance de me soumettre la communication des pensées qu’à l’opinion publique. Adressé et recommandé à toutes les sociétés patriotiques, populaires et fraternelles de l’Empire français, par E. Lanthenas, docteur-médecin, citoyen français. — À Paris, chez Visse, libraire, rue de la Harpe, et Desenne, libraire, au Palais-Royal, 17 juin 1791. — 37 pages in-8o. — De l’imprimerie du Patriote français, place du Théâtre-Italien ». L’ouvrage se terminait par un « Mode de loi proposé, si l’on est obligé d’en faire, et mesures pour obvier à tous les inconvénients de la presse, par les mœurs et l’instruction ». (À la dernière page, est un P.S., du 23 juin.)

Lanthenas se répandait dans le monde des journalistes, le Patriote ne lui suffisant plus. Nous le voyons (lettre 432) en rapports avec Tournon, avec Robert, qui dirigeaient alors ensemble le Mercure national et les Révolutions de l’Europe réunis : il figure parmi les rédac-

  1. Dans ses Mesures de salut public, espèce de revue mensuelle qu’il publia après la chute de Robespierre, de septembre 1794 à février 1795, et qui n’eut que quatre numéros, il accuse l’ex-tyran de lui avoir très perfidement soustrait ! (N° 1, p. 16.)