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Aussi Lanthenas fut-il un des premiers adhérents de cette « Société des amis des Noir », que Brissot fonda, en février 1788, avant de partir en mai pour son voyage aux État-Unis. C’est Brissot lui-même qui l’y présenta (Mém. de Brissot, III, 88) en même temps que l’anglais Robert Pigott, que nous retrouverons plus loin (cf. lettre 312).

Au milieu de toutes ces relations, il arrivait à Lanthenas, toujours lent à agir et négligent de nature, de paraître oublier ses amis du Beaujolais. Les plaintes reviennent assez souvent dans la Correspondance, ainsi que dans les lettres inédites de Roland. Ce n’était plus le temps où Madame Roland se plaignait qu’il eût laissé passer « douze grands jours » sans écrire (lettre 178, 9 février 1785). Il semble que sa correspondance, fort ralentie en 1786, plus encore en 1787, n’ait repris d’une manière suivie qu’en 1788. La Révolution approchait, et tous ceux qui l’attendaient resserraient leurs rangs.


§ 6. Les débuts de la Révolution.

À partir des premiers événements de 1789, toute la vie de Lanthenas semble se mouvoir entre Brissot, les Roland, Bosc et Bancal.

Dès le début, il est un des rédacteurs habituels du Patriote français. Il lui communique les lettres qu’il reçoit du Puy (voir les nos des 13 et 2 août, 6 décembre 1789, 27 mai 1790, etc.,), il lui donne des articles, mais il y traite surtout les questions qui lui tiennent le plus au cœur. — l’abolition de la traite des noirs, la liberté indéfinie de la presse et l’abolition du droit d’aînesse.

Son livre sur ce dernier sujet, commencé, comme nous l’avons dit, dès la fin de 1784, continué au Clos en 1785, parut enfin[1] en août 1789 « à l’imprimerie du Cercle social, rue du Théâtre-Français, no 4 », et fut mis en vente « chez Visse, libraire, rue de la Harpe, 3 livres ». Il était longuement intitulé : « Inconvénients du droit d’aînesse, ouvrage dans lequel on démontre que toute distinction entre les enfants d’une même famille entraîne une foule de maux politiques, moraux et physiques, par M. Lanthenas, docteur en médecine et de la Société des amis des noirs de Paris », il fut annoncé dans le Patriote français du 18 septembre.

Disons tout de suite que cette conquête de la Révolution, l’égalité des partages entre les enfants, telle qu’elle est réglée par nos lois, nous paraît due surtout à l’action persévérante de Lanthenas. Après que la Constituante lui eut accordé une première satisfaction en abolissant le droit d’aînesse par la loi du 15 mars 1790, mais « en laissant subsister les autres règles et sans établir un régime successoral construit de toutes pièces » (E. Chénon, Histoire générale de Lavisse et Rambaud, t. VIII, p. 492), nous le verrons poursuivre la réalisation intégrale de la réforme, qui ne fut complétée que par les lois des 8 avril 1791, 4 janvier et 7 mars 1793, et qui ne fut consacrée que par l’article 745 du Code civil.

Nous avons donné, dans la Révolution française de mai 1898, un relevé des articles

  1. Il dit à ce sujet : « Un ouvrage, probablement le dernier mutilé par la censure, que la Révolution me permit ensuite de publier dans son entier ». (P. 7 de son libre sur la Liberté indéfinie de la presse, publié deux ans après, en juin 1791.)