par semaine Madame Roland dans sa prison, par la protection de l’excellente Mme Bouchot [Lisez Bouchaud], femme du concierge, mais alors on mit un espion dans le guichet et il me devint impossible de pénétrer dorénavant jusqu’à elle… »
Le baron de Silvestre nous apprend comment Bosc, suspect et signalé, s’introduisait dans Paris : « Il osait, sous divers déguisements, entrer dans la ville, pénétrer dans les prisons, consoler les malheureux prisonniers ; habillé souvent en paysan, il portait sur son dos, dans une hotte, les provisions qu’il avait pu se procurer ».
C’est ainsi qu’il visita Servan, le ministre de la Guerre de 1792, non pas à la Conciergerie, comme le dit Cuvier, mais à l’Abbaye, où Servan, après avoir été destitué en juillet 1793 de son commandement de l’armée des Pyrénées orientales, avait été incarcéré et fut heureusement oublié.
Une des lettres les plus intéressantes de la Collection Beljame nous le montre aussi assistant de son amitié la famille de Brissot, pendant que l’infortuné se débattait devant le tribunal révolutionnaire et marchait au supplice[1]. Le 16 novembre 1795, Mme Dupont, la vaillante belle-mère de Brissot, retirée dans le Boulonnais, son pays, et pleine des souvenirs de la catastrophe dont elle venait de franchir le second anniversaire, écrivait à Bosc : … « Je viens de passer des jours pénibles et de compagnie avec vous. Car c’était le sensible, le complaisant Bosc, qui vint partager ma douleur le 30 et le 31 de cet horrible mois d’octobre. Sûrement nos pensées étaient réunies, ces malheureux jours, sur les mêmes objets, Hélas ! hélas !… ».
En même temps, il restait en communication avec la prisonnière de Sainte-Pélagie, par l’intermédiaire de Mme Grandchamp et de Mentelle. Lorsqu’elle forma le dessein de prévenir par le poison l’échafaud auquel elle se savait destinée, c’est à Bosc qu’elle s’adressa. « Elle me demanda, — dit Bosc dans la note dont nous avons donné plus haut les premières lignes, — par une longue lettre motivée, que j’ai trop bien cachée puisqu’il m’a été impossible de la retrouver lors de l’impression de la première édition des Mémoires, une suffisante quantité d’opium pour pouvoir s’empoisonner. Je lui répondis négativement en cherchant a lui prouver qu’il était aussi utile à la cause de la liberté qu’à sa gloire future qu’elle se résolût à monter sur l’échafaud. C’est à cette lettre, la plus pénible que j’aie écrite de ma vie, qu’elle répond par celle du 26 octobre 1793. »
Cette réponse de Madame Roland du 26 [lisez 27] octobre se terminait ainsi : « Je vous embrasse tendrement… Jany [c.à.d. Mentelle] vous dira ce qu’il est possible de tenter un matin ; mais prenez garde à ne pas vous exposer ». Il s’agit évidemment d’une dernière visite que Bosc voulait faire à celle qui allait mourir.
Le 8 novembre, dans l’après-midi, Madame Roland fût conduite au supplice. Quelques heures après, Bosc, arrivant de Sainte-Radegonde, entrait chez Mme Grandchamp, où Men-
- ↑ Brissot, quelques jours avant sa mort, le 23 octobre, écrivait à Mme Dupont (Mém., IV, 431) : « Je connais le brave citoyen qui vous rend d’aussi grand services, son nom se gravera dans mon âme, et je lui voue une éternelle reconnaissance » Le 30 octobre, le matin du jour où il fut condamné, il écrivait à sa femme (ibid, 427) : « Souviens-toi qu’avant ce dernier moment je veux te voir, ainsi que mon ami ». Tout semble indiquer, si l’on rapproche ces deux passages de la lettre que nous allons citer, qu’il s’agit de Bosc.