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en savez, ce que vous en présumez. Remettez ou envoyez votre lettre à notre domicile. Je vous embrasse de tout mon cœur, quoique très tristement.


R.

J’arrive ; je passerai la journée ici ; ne pourriez-vous pas me venir voir ce soir entre 8 et 9 heures ? Nous causerions. Demain matin, je vais chercher la famille et je la ramène dîner ici.

Je vous envoie plusieurs lettres qui ne me regardent en façon quelconque. J’en ai déjà décacheté plusieurs et l’on en viendrait à me ruiner ; faites-moi décharger de ces ports, et, si l’on veut, qu’on garde les lettres[1].

Je vous adresse le plus honnête homme qui ait partagé mon administration. M. Heurtier[2] ; si vous pouvez l’obliger, vous m’obligerez beaucoup. Salut de tout mon cœur.


R.

J’ignore l’adresse de Saint-Aubin[3]. Obligez-moi de lui faire passer tout de suite le billet ci-joint.

Survint le 31 mai, l’insurrection de la Commune de Paris. Dès le matin, Bosc eut une alerte pour son propre compte. « Le 31 mai 1793, dit Cuvier, M. Bosc fut arrêté dans son domicile [rue des ProuvairesJ, et nous le disons avec honte, par un homme qui, sous prétexte d’histoire naturelle, s’était depuis longtemps insinué dans sa familiarité. On le conduisit à la Poste, où on le rendit témoin de la première violation du secret des lettres qui ait eu lieu depuis qu’il en était administrateur. À la vérité, la Convention, non encore subjuguée, le rendit pour lors à ses fonctions, et comme son département personnel n’embrassait que les messageries, il put encore y vaquer sans déshonneur… »

Mais ces inquiétudes personnelles n’étaient pas pour le détourner de veiller sur ses amis. Ce même jour, dans la soirée, des émissaires du Comité insurrectionnel se présentent chez Roland pour l’arrêter. Il parvient à leur échapper, et c’est chez Bosc qu’il va chercher un asile, dit une tradition de famille que M. Rey a recueillie et que les circonstances relatées par Madame Roland dans ses Mémoires (I, 13) rendent fort vraisemblable. Pendant ce temps, Madame Roland était arrêté dans la nuit et conduite, le 1er juin, à 7 heures du matin, à l’Abbaye. À peine écrouée, c’est à Bosc qu’elle songe, et elle lui adresse le billet si souvent publié et cité (no 524 de la Correspondance), qui se termine par ces mots ; « Je vous embrasse cordialement ; à la vie et à la mort, estime et amitié ».

La prisonnière avait raison de compter sur Bosc. Déjà, en apprenant l’arrestation, il était accouru au logis, où la petite Eudora était restée avec les deux domestiques, et l’avait conduite chez les Creuzé-Latouche, qui demeuraient alors à deux pas de là, rue Hautefeuille, no 11, et qui la reçurent au nombre de leurs propres enfants (Mémoires, I, 43). Creuzé avait un rôle assez effacé à la Convention pour n’être pas compromis avec ses amis de la Gironde. Il s’agissait ensuite de faire sortir Roland de Paris. Le 2 juin, — tandis que les canonniers d’Henriot arrachaient à la Convention l’arrestation des vingt-deux, — Bosc fit franchir à son ami la ligne des barrières et le conduisit à Sainte-Radegonde (A. Rey, p. 26).

  1. Ce détail suffirait à prouver que ce billet suit de très peu la sortie du ministère.
  2. Architecte des Tuileries, qui avait assisté avec Roland à l’ouverture de l’Armoire de fer.
  3. Commissaire à la comptabilité, employé à vérifier les comptes de Roland. Cf. Mém., I, 300.