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satisfaire ses goûts de naturaliste et son amour de la vie rustique. Une lettre à Bancal du 12 avril 1792 (A. Rey, p. 22) nous le montre faisant des réparations au prieuré. Dans une autre lettre du 14 mai, déjà mentionnée, il dit : « Il faudra bien que je trouve quelques moments pour aller à Sainte-Radegonde, car l’exercice, l’air de la campagne est nécessaire à mon existence » (ibid., p. 24). Puis, le 26 mai (ibid) : « J’étais invité à aller dîner chez Roland pour causer de votre personne, mais ma tête a besoin de repos, et je préfère aller coucher à votre ermitage ».

L’ermitage, situé au cœur de la forêt, dans une clairière, à 600 mètres environ du château de La Chasse, près de la croisée de la route des Fonds avec le chemin qui mène de Saint-Prix à Bouffémont, a été trop bien décrit par M. Auguste Rey pour que nous puissions rien ajouter au tableau. D’ailleurs, une jolie phototypie, dans son livre (p. 32), représente bien l’état actuel. Il n’y manque que la petite chapelle et son clocher, mentionnés dans l’acte de vente ainsi que dans les Mémoires de La Revellière-Lepeaux (I, 166) ; ils ont été démolis en 1842. Une vieille paysanne, logée dans une chambre de la maison, servait de gardienne.

C’est là que Bosc passa les mauvais jours de la Terreur et abrita ses amis proscrits.


§ 14. Les mauvais jours.

Car les temps allaient vite, Roland quittait le ministère le 23 janvier 1793. Désireux d’aller chercher au Clos la retraite et l’oubli, mais ne pouvant quitter Paris sans avoir obtenu l’apurement de ses comptes, il le sollicitait en vain. La Convention avait bien d’autres affaires ! L’ajournement laissait d’ailleurs l’ancien ministre sous sa main, comme en otage. En attendant, les dénonciations, les menaces de mort se succédaient autour de cet humble logis de la rue de la Harpe où il s’était retiré. Déjà, dans les deux derniers mois de son ministère, il avait dû trois fois, avec les siens, aller passer la nuit chez des amis. Il fallut recommencer. Les deux billets suivants[1] nous apprennent que, pendant quelques jours au moins, il conduisit sa femme et sa fille dans quelque village de la banlieue de Paris :

Vous êtes allé à la maison ; votre amitié, vos soins, vos sollicitudes ont continué, et vous ignorez mûrement toute l’étendu des nôtres. Mon ami, nous sommes hors des murs depuis huit ou dix jours ; je vais cependant y rentrer sous peu ; la crainte de la mort deviendrait enfin pire que la mort même, et c’est là le moindre de mes chagrins[2]. Brûlez ce billet. Je vous donnerai avis de ma réintégration dans mon domicile, que j’abandonnerai, ainsi que Paris, le plus tôt que je pourrai.

Obligez-moi de faire passer la lettre ci-jointe à son adresse ; je l’ignore entièrement.

Donnez-nous de vos nouvelles et de celles de la chose publique, ce que vous en voyez, ce que vous

  1. Collection Morrison. Le premier de ces deux billets, dont nous avons déjà cité quelques ligne dans l’Avertissement de l’année 1793, a été publié par M. A. Rey (p. 25), à qui M. Ét. Charavay l’avait communiqué. Les deux autographes ne portent ni data ni adresse. Mais leur teneur indique assez qu’ils sont de la période dont nous parlons, et qu’ils sont pour Bosc, puisqu’ils proviennent de ses papiers.
  2. Roland fait évidemment allusion à ses chagrins domestiques, aux cruels aveux de sa femme. Cf. Mém., II, 244.