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Bosc eut pour collègue, comme administrateur des Postes, un autre vieil ami des Roland, — et aussi de Pache, — Gibert, bien des fois mentionné dans les Mémoires (II, 210-213) et dans la Correspondance (passim, et surtout dans les Lettres Cannet.) Ils furent là, dans un service qui avait une si grande importance, à ce moment-là surtout, — à cause de la correspondance patriotique avec les départements que Roland se hâtait d’organiser, — les hommes de confiance du ministre. On peut voir au ms. 6243, fol. 145, 146, 151-152, 156, 157, quelques spécimens des notes que Roland leur faisait passer dans les moments d’urgence. C’est d’ailleurs au sein de leur simple et franche amitié que le ministre et sa femme allaient se reposer, dans les courts répits que leur laissait la fièvre des affaires. Il y a dans Barrière (II, 11), qui écrivait en 1820 avec les souvenirs de Bosc, une jolie anecdote sur un dîner offert par lui, au bois de Boulogne, à Roland et à sa femme (six convives en tout, dont trois ministres), et qui coûta quinze francs ! De même, c’est chez Gibert, dans sa rustique maison de Monceau, que nous voyons Madame Roland, à la fin de septembre 1792[1], aller chercher quelques moments de paix, après ces massacres qui lui avaient arraché, dans ses lettres à Bancal, de si nobles cris d’indignation et de pitié.


§ 13. Sainte-Radegonde.

Nous avons déjà parlé du projet agité en 1790 et 1791, entre Bancal, Lanthenas, Bosc et les Roland, pour acheter ensemble un domaine ecclésiastique vendu comme bien national et aller y vivre en commun. Plus d’un de leurs amis parla d’y participer : Champagneux, à Lyon, devait en être ; un Anglais, quaker et « pythagoricien », qui voyageait alors en France, Robert Pigott, parlait d’y mettre des fonds considérables ; Brissot, qui songeait à y entrer, avait préparé les statuts (voir Appendice L). Bizot lui-même, lorsqu’il se lia avec les Roland en 1791, parut s’y intéresser. Mais où s’établir ? Le Beaujolais ou le Lyonnais, où on chercha d’abord, furent finalement écartés ; Bancal penchait naturellement pour l’Auvergne. Lanthenas avait en vue la riche abbaye de Mortemer, en Normandie. Au bout du compte, chacun s’arrangea de son côté. Dès juillet 1791, Bancal avait acheté le domaine de Bonneval, en Auvergne ; Roland acquit (en mars 1793 !) un domaine à Villeron, au district de Gonesse. Mais Bosc avait réussi à faire acheter par Bancal, — en dehors du grand projet, — le modeste prieuré de Notre-Dame-du-Bois-Saint-Père, dit Sainte-Radegonde, dans sa chère forêt de Montmorency[2]. L’acquisition, entamée dès le mois d’août 1791, ne fut définitivement conclue que le 14 février 1792, au prix de 8,150 livres. Bancal étant alors en Auvergne, par l’intermédiaire de Bosc. Dès lors, on le voit administrer le petit domaine pour le compte de son ami, y aller en toute occasion. Il n’est pas certain, dit M. Auguste Rey, que le vrai maître (Bancal) y ait fait plus d’une visite pendant toute sa vie : « C’est à croire qu’il avait acheté ce coin de forêt pour la seule joie du botaniste ».

Bosc, qui avait passé sa première enfance dans les forêts de Bassigny, trouvait là de quoi

  1. Voir le rapport de Brival, en avril 1793, sur les « Papiers trouvés chez Roland ».
  2. Toute cette histoire de Sainte-Radegonde a été, avec beaucoup de charme, par M. Auguste Rey, dans ses études sur Bosc. Nous ne pouvons qu’y renvoyer le lecteur.