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La Platière demande des Lettres de noblesse. Je vous prie de me donner en ce qui le concerne ainsi que sa famille tous les éclaircissements que vous pourrez vous procurer, avec les observations que vous jugerez à propos d’y joindre. J’ai l’honneur, » etc… L’Intendant communique l’affaire, le 17, à M. Micollier, son subdélégué à Villefranche. M. Micollier était de ceux qui, en 1781 (il était alors maire de la ville), avaient certifié le « mémoire d’extraction ». Sa réponse (du 10 janvier 1784), que nous avons (Bibl. de Lyon, fonds Coste, J. 14719), n’est pas cependant bien chaude ; il déclare bien que « cette famille est une des plus anciennes de notre province… ; qu’elle a soutenu, par son ancienneté et par sa fortune, un rang assez distingué… » ; il rappelle bien les principaux titres énumérés par Roland, mais pour conclure assez mollement : « … Je crois apercevoir que le sieur Roland de la Platière, dont il est ici question, a été assez exact sur son extraction… ». Puis, ce qui est plus grave, quand il en vient aux services administratifs du postulant, il renvoie le ministre à un des adversaires de Roland ! « À l’égard de ses talents particuliers et de l’usage qu’il en a fait dans la partie du commerce à laquelle il est attaché comme de ses recherches en bien des genres, outre les attestations satisfaisantes qu’il rapporte en sa faveur, je crois que personne ne peut vous donner en cette partie des éclaircissements plus positifs que M. Brisson, inspecteur de nos manufactures [de la généralité de Lyon], qui est, m’assure-t-on, instruit de toutes les opérations dont le sieur Roland de La Platière tire avantage, et qui, sur ce qu’il vous en dira, mérite la confiance dont vous l’honorez en d’autres occasions. Je suis, » etc…

Si on considère qu’en 1782 et 1783 Roland avait été en polémique avec Brisson[1], et si on remarque que Madame Roland, tant dans sa correspondance que dans ses Mémoires, ne parle jamais de ce collègue de son mari qu’avec un manque de sympathie qui suppose la réciproque, cette conclusion paraîtra ou bien perfide ou bien malavisée.

Quoi qu’il en soit, l’affaire est définitivement engagée ; Madame Roland se décide à aller la suivre à Paris. Sa grand’mère, Marie-Geneviève Rotisset, venait d’y mourir (10 mars 1784 ; cf. lettre du 21 mars), et peut-être avait-elle, de ce chef, quelques affaires à régler ; mais avant tout elle espérait, par des protections que nous indiquerons en leur lieu, réussir où son mari avait échoué trois ans auparavant.

Nous n’avons, dans ces recherches essentiellement objectives, ni à justifier ni à blâmer les Roland d’avoir sollicité des Lettres de noblesse. Il nous suffira de rappeler que l’entreprise n’avait rien de chimérique. Holker, l’inspecteur manufacturier de Rouen, avait obtenu, en novembre 1774, « des Lettres de reconnaissance de noblesse et en tant que de besoin d’anoblissement » ; un des commis de M. de Vergennes, Pétigny de Saint-Romain, auquel Madame Roland va précisément avoir affaire, avait eu des lettres de noblesse en 1781 (Invent. des Arch. de la Somme, C. 1718, fol. 35) ; Montgolfier, pour son invention, venait de recevoir une distinction pareille : « M. de Montgolfier a eu des Lettres de noblesse pour son père et le cordon de Saint-Michel pour lui », (Mém. sevret, 22 décembre 1783.)

Le plan de Madame Roland (on le verra par la Correspondance, mais il parait utile d’en dégager ici les lignes essentielles) était d’abord le suivant : ne pas négliger les démarches

  1. Voir au ms. 6243, fol. 101 et 131-132.