Antoine-Louis Blondel, né à Paris et baptisé le 25 février 1747, conseiller au Parlement en 1765 (à 18 ans !), maître des requêtes avec dispense d’âge en 1775, fut nommé Intendant du commerce par commission en 1776[1]. Il était donc le plus jeune des quatre Intendants, à l’époque où Madame Roland allait les solliciter. Il était aussi, pour elle, le plus habile et le moins sûr ; « le petit chat », c’est le terme qui revient à chaque instant dans la correspondance des Roland. « En 1786, dit M. Eugène Lelong, dont l’Introduction nous fournit toutes ces dates, il fut nommé Intendant des finances, mais continua néanmoins à servir comme Intendant du commerce jusqu’au mois de juin 1787 », c’est-à-dire jusqu’à la suppression de son emploi. « À la suppression des Intendants des finances, en 1791, il passa au ministère de l’Intérieur en qualité de chef de la sixième division, qui comprenait l’agriculture, le commerce et les manufactures. Il était en même temps vice-président du Bureau central de l’administration centrale du commerce, institué le 26 octobre 1791, sur sa proposition, par Delessart, ministre de l’Intérieur, pour remplacer le Bureau du commerce supprimé par le décret du 27 septembre précédent » (ibid. — Voir Alm. royal de 1792, p. 233). On voit que « le petit chat » savait retomber comme il convient. Mais là ne se bornait pas son ambition. En novembre 1790, quand M. de Saint-Priest, ministre de la Maison du Roi, devenu impopulaire, s’apprêtait à se retirer, Blondel visait sa succession, et Brissot dénonçait d’avance cette candidature : « On assure que M. Guignard [de Saint-Priest] quitte et résigne sa place à M. Blondel, Intendant sous le régime désastreux de Calonne, et son ami, et en outre créature de M. Guignard. Quels titres à la confiance du peuple ! Et peut-on gouverner sans confiance ! » (Patriote français du 29 novembre 1790). Et, le surlendemain (1 décembre) : « Deux nominations ont eu lieu, l’une de M. Blondel à la place de M. Guignard. L’opinion publique, prononcée avec force contre cet homme, la dénonciation qui en a été faite par M. Charles Lameth aux Jacobins, et qui sera sans doute répétée par tous les bons citoyens, semblent l’avoir suspendue, et paralysé cet agent de l’ancien despotisme… ».
Blondel ne fut pas ministre, mais resta ministrable. Le 17 juin 1792, quatre jours après que Louis XVI avait renvoyé Roland, Servan et Clavière et cherchait encore un successeur à ce dernier, un de ses anciens ministres, Tarbé, resté un de ses conseillers secrets, lui conseillait de s’adresser « à M. Blondel, ancien maître des requêtes… » (Tuetey, t. IV, no 701). Mais la proposition était déjà éventée, car, dès la veille (16 juin), le Patriote français disait : « On assure que le ministère des contributions publiques a été successivement offert à MM. Blondel, Vergennes, Burté et Gaudin, qui n’ont pas cru devoir l’accepter… ».
Blondel n’en restait pas moins chef de division au ministère de l’Intérieur, où, par un singulier retour des choses, il venait d’avoir eu pour chef, pendant trois mois, — du 23 mars au 13 juin 1792, — cet ancien inspecteur des manufactures qu’il avait jadis si peu ménagé. Mais le 16 août 1792, six jours après que Roland fut rentré en vainqueur au
- ↑ Il était le fils d’une amie de Turgot, auquel Condorcet écrivait, peu après sa disgrâce : « J’ai été fort aise que M. Blondel ait eu une commission et qu’il ne perde rien à ce qui vous est arrivé ». (Corresp. de Condorcet et de Turgot, publiée par M. Charles Henry, 1888, p. 285.)