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Quatre jours après (lettre du 2 avril), Roland, chargeant sa femme d’acheter la Physiognomonie de Lavater pour leur ami M. Deu, ajoute naïvement : « S’il est possible de payer ces ouvrages en Voyages d’italie, ce serait une bonne chose. J’en prendrais bien un pour moi, ce qui ferait deux exemplaires, Sine qua, non. »

Le 19 avril, rendant compte à son mari de son entrevue avec M. Tolozan, Intendant du commerce, Madame Roland dit : « Le Tolozan a parlé du Voyage, de ce voyage fait par les ordres du Gouvernement et dans lequel on trouvait mille misères… ». — On peut voir, dans la lettre même, la vive et fière riposte de la solliciteuse.

Le 30 avril elle écrit encore : « Je ne vois à rien pour nous défaire des Lettres… ». Le 15 mai, Roland lui écrit ; « Je voudrais bien que tu règles avec Visse, qui ne vend donc plus de Voyages… ». Visse était libraire, rue de la Harpe. C’était lui sans doute qui s’était chargé d’écouter l’édition, et c’est probablement pour cela que Barbier, dans son Dictionnaire des Anonymes, t. II, n° 1267, en mentionnant l’ouvrage, donne pour rubrique « Amsterdam et Paris, Visse, 1780… ».

Rien n’y fit. Le livre de Roland, mal vu par ses chefs, qu’effarouchaient les libertés de l’écrivain, critiqué assez aigrement par la presse (voir Mercure de France du 30 mars 1782 ; cd. Papiers Roland, ms 6243, p. 131), dépourvu d’attrait pour le grand public, ne se vendit pas[1]. Après la Révolution, il en restait encore des exemplaires en librairie et, lorsque Champagneux, dans les premiers mois de 1800, publia chez le libraire Bidault les 'Œuvres de Madame Roland en trois volumes, il essaya d’écouler les Lettres d’Italie, au moyen d’une annonce sur les gardes de son édition ; il semble aussi avoir tenté de les écouler en Allemagne, où la librairie de Hambourg faisait circuler alors de nombreuses publications française : « Lettres écrites de Suisse, par feu J.-M. Roland, Hambourg, 1799, 6 vol. ». Il est évident que ce n’est pas là une édition nouvelle, comme l’a cru M. Faugère (II, 239).

  1. Roland écrivait cependant, en 1790 (Dict. des manufact., t. II, supplément, p. 92) : « …Je n’ai pas été peu étonné, dans un voyage fait en Allemagne, six ou sept ans après leur publication (c’est lorsqu’il alla à Bâle et à Strasbourg dans l’été de 1787), de les entendre attribuer, parlant à ma personne, à un auteur qu’on me nomma Carreri… ».