vantes : 1° la censure de Houard ; — 2° la censure des Affaires étrangères. — 3° des cartons : — 4° la rubrique d’Amsterdam [voir l’édition] ; — 5° l’anonymat ; — 6° l’expédition des volumes en France par Neufchâtel, la petite principauté prussienne enclavée dans tes cantons suisses, où fonctionnait une imprimerie importante dont nous aurons plus d’une fois à reparler[1]. Il avait donc fallu envoyer les ballots de livres à Neufchâtel et les en faire revenir !
Roland se croyait enfin au bout de ses peines. Le 20 novembre, il avait écrit à M. de Couronne : « Après trente mois de tracasseries, de tourments, de déchirures, on vient enfin de laisser un libre cours à mes Lettres de Sicile, d’Italie, etc… » (ms. 6243, fol. 97), et il lui avait envoyé deux exemplaires, un pour lui, un pour l’Académie ; le même jour, il en avait adressé un à M. Baillière, en l’appelant « mon cher confrère », puis un à M. Justamont, un à M. d’Ornay, deux aux amies. Mais, dès le 29 novembre, il se heurtait à une nouvelle difficulté, soulevée par la Chambre syndicale des libraires de Paris (ms. 6243, fol. 99-100) et il semble que le censeur Houard n’y ait pas été étranger. « Je suis bien en peine de l’affaire où M. Houard met son nez » (Madame Roland, 23 décembre). — « Je vais aller voir mon bourru de censeur » (Roland, du même jour). Le 30 décembre, Roland s’impatiente au sujet de ses exemplaires, qui n’arrivent pas de Neufchâtel ; pourtant, il a déjà pu en distribuer quelques-uns, puisque son ami M. Deu en est au second volume (Madame Roland, du même jour). — Le 31, il annonce qu’il a enfin reçu ses livres, et calcule qu’il aura « à en délivrer 80, pro Deo… ». Alors commence enfin la distribution, non plus officieuse, comme celle des exemplaires donnés, çà et là auparavant, mais officielle, à visage découvert : le 4 janvier 1782, à MM. Tolozan et de Colonia, Intendants du Commerce ; le 10, à M. de la Tourrette, secrétaire perpétué de l’Académie de Lyon, et à l’abbé Dessertines, secrétaire perpétuel de l’Académie de Villefranche ; le même jour, à M. Perrein, secrétaire de M. de Néville, auquel il avait dû avoir recours au sujet « de l’oubli ou de la petite tracasserie de MM. de la Chambre syndicale » ; le 8 février, à M. l’abbé Marie, professeur de mathématiques au collège Mazarin, ami de Cousin-Despréaux[2], en lui disant : « L’ouvrage a été déchiré durant trente mois par un censeur bourru [Houard], par des gens de peu de goût [ ceci semble être pour les frères Cousin], et finalement par l’administration des Affaires étrangères… » (ms. 6243, fol. 129). Nous voyons enfin, par une lettre au libraire Panckoucke de juillet 1782 (ibid., fol. 131) pour quelle raison il n’avait pas signé son livre : « L’anonyme est une des conditions de la part du gouvernement de la circulation de mon ouvrage ».
Roland dit ailleurs (Dict. des manuf. II, 91) :
« Ces lettres ne portent pas mon nom, il est vrai ; elles ont été écrites en courant, avec beaucoup de négligence ; imprimées loin de moi, impitoyablement châtrées d’abord ; cartonnées ensuite, sans qu’on s’embarrassât des raccords à faire, des lacunes à remplir ; la langue n’y a pas toujours été respectée, la géographie même y a reçu quelques affronts ; tout cela, au fond de la province, à quarante lieues de l’auteur, fort occupé d’autre chose. Voilà pourquoi elles ne portent pas mon nom. Mais les faits qu’elles renferment ont été bien vus, et les observations bien réfléchies. J’ose croire que ce Voyage d’Italie et de Suisse, après tant d’autres voyages dans ces contrées, a dû paraître neuf à quelques égards, et je pense qu’il l’est même encore… ».