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de véritable détresse, résultant de la famine de cet hiver-là, et attestée par leurs lettres (Collections Beljame. voir App. K). Aimée Malortie s’embarque pour Paris, où elle arrive le 28 novembre, et en repart emmenant Eudora Roland et sa bonne, la dévouée Marguerite Fleury.

L’enfant passa sept mois à Rouen, choyée par les vieilles filles, les gouvernant plus qu’elle ne se laissait gouverner par elles, entourée dans leur milieu d’attentions qui ne la laissaient peut-être pas insensible et faisaient tort au pauvre tuteur ; le fils de Descroizilles se mettait sur les rangs pour l’épouser (bien qu’elle n’eût pas encore quinze ans) et « les amies » semblaient s’intéresser à ce projet.

Quoi qu’il en soit, tandis que Bosc. désillusionné, mais le cœur meurtri, s’éloignait de la France pour aller aux États-Unis oublier son chagrin, Aimée Malortie, accompagnée du fidèle Justamont, ramenait Eudora Roland à Paris, le 26 juillet 1796, chez Champagneux, qui succédait à Bosc dans la tutelle de la jeune fille.

Ici s’arrêtent les renseignements que nous avons pu rassembler sur les demoiselles Malortie.


§ 6. Les frères Cousin.

Ces deux amis de Roland étaient de Dieppe.

Leur père, Michel Cousin, marié à Françoise-Henriette Nepveu, mort en 1764, avait été d’abord « inspecteur des chemins royaux de la Haute et Basse-Normandie », puis était devenu « entrepreneur des fortifications et ouvrages du Roi dans la province de Dieppe »[1].

Son fils aîné, Michel Cousin, était avocat du Roi au Bailliage de Caux. Il habitait Dieppe, Grande Rue, sur la paroisse Saint-Jacques. Il a publié les ouvrages suivants :

1° « Traité de la peine de mort, traduit de l’italien, de M. Paolo Vergani, et suivi d’un Discours sur la justice criminelle, dédié à M. le marquis de Miromény (sic), garde des sceaux de France, par M. Cousin, avocat du Roi au Bailliage de Caux et siège d’Arques, Paris, Guillot, 1782. » Ancien premier Président au Parlement de Rouen, Miromesnil, devenu garde des sceaux, avait fait rendre l’ordonnance du 24 août 1780, supprimant la question préparatoire. C’est donc à un double titre que le magistrat normand lui dédiait son livre, visiblement inspiré de Beccaris.

2° « De l’énormité du duel, traité traduit de l’italien de M. le docteur P.V. (Paolo Vergani), et dédié à S.M. Frédéric II, roi de Prusse, par M.C., des Arcades de Rome et de l’Académie de Villefranche. Berlin, Christian-Frédéric Wors, 1783, in-12. »

Plusieurs choses sont ici à noter : 1° c’est Roland qui avait fait admettre Michel Cousin dans la petite Académie de sa ville natale, en 1781 ; 2° en dédiant au roi de Prusse se traduction de l’italien, Michel Cousin briguait probablement le titre de correspondant de l’Académie de Berlin. Madame Roland, qui avait poussé son mari à solliciter le même honneur, inutilement, y fait une allusion railleuse et quelque peu jalouse : « Aristote[2] va en Prusse… »

  1. Galerie Dieppoise, collection publiée sous la direction de l’abbé Cochet ; article Cousin, par M. Lamotte.
  2. Rappelons que, dans la Société littéraire formée par Roland et ses amis, Aristote était le nom de Michel Cousin.