M. Godinot, qui avait épousé Mlle Thomé de Saint-Cire, parente de Roland au sixième degré, était alors inspecteur des manufactures de la généralité de Rouen. Originaire de Reims, ville de fabriques et de commerce, il avait plusieurs des siens dans la même administration. Dès 1714 nous rencontrons un Godinot inspecteur des manufactures à Reims (Inv. Arch. Somme, C. 147) ; avant 1753, nous trouvons « Godinot père » inspecteur des draperies à Amiens, d’où il passe à Abbeville, où il meurt en 1771 (ibid., C. 303 ; Alm. royaux) ; un autre membre de la famille, Godinot de Ferrières, est sous-inspecteur à Saint-Lô dès 1759 et devient ensuite inspecteur à Caen (Alm. royaux). Quant à notre personnage, Godinot fils, il était en 1750 inspecteur des toiles à Saint-Symphorien-le-Lay, près de Roanne (c’est là sans doute qu’il s’était marié) ; mais, dès 1751, on le trouve « inspecteur principal » à Rouen. Il semblait donc avantageux pour Roland de débuter sous un parent bien établi dans la partie. Cependant les quelques traces de Godinot qui apparaissent dans la Correspondance (28 janvier 1783, 11 avril 1784) n’indiquent pas que les rapports aient été bien intimes. Disons tout de suite, pour n’avoir pas à revenir sur Godinot, qu’il dut prendre sa retraite en 1779 et aller s’établir à Roanne, près du pays de sa femme, avec le titre d’inspecteur général [ou principal] honoraire (Alm. royaux de 1779 à 1789). Peut-être est-ce lui qui figure, sous le nom de Godinot de Saint-Haron [lisez Saint-Haon], sur la liste des individus arrêtés en 1794 par le Comité révolutionnaire de Roanne (Pap. de Robespierre, 1828, I, 235).
C’est en août 1754 que Roland, sur la présentation de Godinot, fut admis « en qualité d’élève-surnuméraire des manufactures de Rouen et enregistré comme tel » (Mém. des services, ms. 6243, fol. 57-58), ou, pour nous servir d’une autre de ses expressions, « agrégé, par le ministre du commerce[1], au corps des inspecteurs, des manufactures ».
Alors commença son labeur de trente-huit années. Pour le décrire, nous useront surtout de ses propres renseignements[2] dont tous les témoignages extérieurs confinent l’exactitude.
- ↑ Charles-Daniel Trudaine (1703-1769), Intendant des finances en 1734, chargé en cette qualité du service des Ponts et Chaussées, puis, lorsqu’il eut été nommé commissaire au Bureau du commerce (9 mai 1749), du service des manufactures, ne fut, en réalité, ni secrétaire d’État ni ministre, puisque son administration, relevant du contrôle général, ne constituait pas un ministère. Mais ces fonctions prirent entre ses mains et celles de son fils Jean-Charles-Philibert Trudaine (1733-1777), qui lui fut adjoint en 1757, une telle importance, que, par exception, dans la correspondance administrative du temps, l’un et l’autre est appelé souvent « ministre du commerce », comme Roland fait ici. C’est Jean-Charles-Philibert Trudaine qui protégea particulièrement Roland, et c’est de lui qu’il sera question dans la suite à partir de 1757.
- ↑ Voir les divers Mémoires des services dressés par lui en 1781 et en 1791. Ces pièces, qui offrent de l’intérêt pour l’histoire de l’industrie française, sont aux Papiers Roland, ms. 6243, fol. 31-43 et 57-58. Celle de 1791 a été publiée par M. de Girardot.
Nous allons les utiliser, sans nous astreindre à y renvoyer à chaque ligne. (Voir aussi Dict. des manuf.)