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l’appui n’avaient point été communiquées, et il à prié le tribunal de délibérer pour qu’elles lui fussent remises. Après un instant de chuchoterie, le président à répondu en balbutiant que ces pièces étaient encore pour la plupart sous les scellés, chez les accusés ; que l’on ferait procéder à la levée de ceux-ci et qu’en attendant les débats commenceraient. Mais, Jany, j’ai entendu cela bien distinctement de mes deux oreilles ! Je regardais si ce n’était point un songe ; je me demandais si la postérité saurait cela, si elle pourrait le croire ! Eh bien ! tout ce peuple n’a rien senti ; il n’a pas vu l’atrocité d’une pareille conduite, le ridicule de produire un acte dont on ne connaît point les pièces justificatives, la bêtise de prétendre que ces pièces sont chez ceux mêmes contre lesquels l’acte est dressé, et des papiers desquels on n’a point encore fait l’inventaire, la sottise et l’impudence de l’avouer. Le président a dit encore quelques bredouilles sur l’immensité d’autres pièces et la difficulté de les communiquer ; mais cela n’était ni plus juste, ni mieux raisonné. On a fait sortir ensuite tous témoins, pour n’appeler qu’à mesure ceux qu’on veut faire déposer. Mon tour n’est pas venu ; ce sera probablement pour demain. Je ne puis voir dans cette marche que l’intention de tirer avantage des vérités que mon courage doit dire pour trouver moyen de me perdre. Cela n’est pas difficile avec de tels scélérats et mon mépris pour la mort : ainsi peut-être ne nous reverrons-nous plus.

Mon amitié vous lègue le soin de ma mémoire. Si je connaissais quelque chose de plus convenable à la générosité de vos sentiments, trop tard connus, je vous en changerais ; mais non, Jany, pas trop tard : c’est une Providence qui a tout conduit ; en vous appréciant plus tôt, mon affection vous eût enveloppé dans ma disgrâce. Vous disposerez de tout pour le mieux. On peut supposer la chute par une fenêtre, et l’on envoie y regarder ceux qui ne veulent pas y croire. Comme il y a beaucoup d’ouvriers maçons et autres, il est facile d’imaginer qu’un d’eux, ou quelqu’un déguisé comme eux, se glissait à certaine heure sous ma fenêtre dans la cour intérieure et recevait le paquet. Cette idée est même fort bonne, elle a de la vraisemblance. Les Portraits et Anecdotes, et

    matique de la dernière entrevue qu’il aurait eue avec elle, la veille de son jugement ; elle lui aurait dit, résolue à ne pas le compromettre : … « Ne venez point au tribunal, je vous désavouerais, etc… ».


    Sans relever la légère inexactitude de Barrière, qui place cette scène au 9 novembre, alors que Madame Roland a été condamnée et exécutée le 8, nous nous bornerons à remarquer que Madame Roland eut pour défenseur, le 8 novembre, « Guillot, homme de loi, nommé d’office par le tribunal conseil et défenseur officieux » ( dossier des Archives nationales, cote 27).