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Peut-être, et je l’espère, tu n’es pas réservée à des épreuves semblables aux miennes ; mais il en est d’autres dont tu n’auras pas moins à te défendre. Une vie sévère et occupée est le premier préservatif de tous les périls, et la nécessité, autant que la sagesse, t’impose la loi de travailler sérieusement.

Sois digne de tes parents : ils te laissent de grands exemples ; et si tu sais en profiter, tu n’auras pas une inutile existence.

Adieu, enfant chéri, toi que j’ai nourri de mon lait et que je voudrais pénétrer de tous mes sentiments. Un temps viendra où tu pourras juger de tout l’effort que je me fais en cet instant pour ne pas m’attendrir à la douce image.

Je te presse sur mon sein.

Adieu, mon Eudora.


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À MA BONNE FLEURY[1].
[8 octobre 1793, — de Sainte-Pélagie.]

Ma chère bonne, toi dont la fidélité, les services et l’attachement m’ont été chers depuis treize années, reçois mes embrassements et mes adieux.

Conserve le souvenir de ce que je fus. Il te consolera de ce que j’éprouve ; les gens de bien passent à la gloire quand ils descendent dans le tombeau. Mes douleurs vont finir ; calme les tiennes et songe à la paix dont je vais jouir, sans que personne puisse désormais la troubler. Dis à mon Agathe que j’emporte avec moi la douceur d’être chérie par elle depuis mon enfance et le regret de ne pouvoir lui témoigner mon attachement. J’aurais voulu t’être utile, du moins que je ne t’afflige pas.

Adieu, ma pauvre bonne, adieu.

  1. Bosc, II, 82, sous la date du « 18 octobre » ; Faugère, II, 276 ; — copie au ms. des Mémoires et au ms. 9533, fol. 343-344.

    Nous croyons que cette lettre a été écrite en même temps que la précédente.

    Voir, sur Fleury, note Appendice T.