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[À GARAT, À PARIS[1].]
20 juin [1793], à 8 heures du matin, — prison de l’Abbaye.

Quels cris répétés se font entendre ?… Ce sont ceux d’un colporteur qui annonce la grande colère du père Duchesne contre cette b… de Roland qui est à l’Abbaye ; la grande conspiration découverte des Rolandistes, Buzotins, Petionistes, Girondins, avec les rebelles de la Vendée, les agents de l’Angleterre. Il faut trouver le vieux Roland pour lui faire subir la peine de ses crimes ; il faut se mettre après sa femme pour lui tirer les verres (sic) du nez sur son c.c. de mari. Là, déluge de sales épithètes, répétitions affectées que je suis à l’Abbaye, provocation à me maltraiter. C’est sous ma fenêtre que le crieur répète ses invitations au peuple du marché.

Ainsi, l’on insulte à l’innocence après l’avoir opprimée ; on excite à l’immoler ; c’est effectivement tout ce qu’il reste à faire. Et l’auteur de ces infâmes écrits fut soutenu, protégé, défendu par Garat, lorsque de pareils excès contre la Convention l’avaient fait arrêter par l’ordre d’une commission des représentants du peuple[2].

Garat ! je te rapporte cette insulte ; c’est à ta lâcheté que je la dois ; et s’il arrive pis encore, c’est sur ta tête que j’en appelle la vengeance des cieux.

  1. Cette lettre, à laquelle Champagneux fait allusion (Disc. prélim., p. xlii), a été publiée pour la première fois, en 1823, dans les Mémoires de Buzot, p. 107 ; Sainte-Beuve (Introduction aux Lettres à Bancal, p. xlii) en cita quelques lignes.

    La copie autographe que Madame Roland envoya à Buzot (comme on le verra par la lettre suivante) s’est retrouvée avec les papiers saisis à Saint-Émilion en juin 1794, vendus au libraire France en 1863, cédés par lui à l’éditeur Plon, et finalement achetés par la Bibliothèque nationale (ms. n.A. fr., n° 1730). C’est ce texte qu’a reproduit (inexactement, d’ailleurs) M. Dauban, d’abord dans son Étude sur Madame Roland, p. 25-26 (1864), — et cependant il donnait le fac-similé en regard de son texte ! — puis dans son édition des Mémoires de Buzot, p. 81 (1866), tandis que M. Faugère (Mém., I, 203) reproduisait le texte de 1823.

    Nous avons collationné sur l’autographe de la Bibliothèque.

    L’article d’Hébert que Madame Roland avait entendu crier sous les fenêtres de sa prison est au n° 248 du Père Duchesne (cité par Dauban, Étude, ccviii-ccx).

  2. Dans la séance du 27 mai 1793, Garat était intervenu pour défendre Hébert arrêté sur l’ordre de la commission des Douze.