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vention d’examiner et d’apurer ses comptes, d’abord pour confondre ses accusateurs, et aussi pour pouvoir quitter Paris, s’en aller chercher au Clos la solitude et l’oubli. Huit fois il sollicita ce règlement, ou du moins, puisqu’on l’ajournait, l’autorisation provisoire de s’éloigner. Mais ce fut en vain, et le 31 mai arriva sans qu’il eût obtenu satisfaction.

Sans doute, il récriminait à l’occasion contre ses dénonciateurs ou ceux de ses anciens amis qui ne l’avaient pas soutenu ; on peut voir, au ms. 9534, fol. 336-341, une correspondance assez aigre, échangée du 25 au 27 février, entre lui et Garat, son ancien collègue, qui lui avait succédé au ministère de l’Intérieur ; d’autre billets, d’un ton bien amer, adressés par lui à Lanthenas, au milieu de février et vers la fin de mars, se trouvent au ms. 6241, fol. 249-254, et ont été publiés dans la Revue critique du 3 mars 1884. Deux lettres du 4 mars, à Paoli et à un ancien ami, Gamelin, consul à Palerme, se trouvent au ms. 6243, fol. 179 et 180. Mais toutes ces lettres ne font qu’exprimer la même pensée : une confiance obstinée dans le jugement de la postérité. Nulle part on n’aperçoit le désir de rentrer dans la lutte, et il semble bien que l’ancien ministre n’ait jamais eu qu’une pensée, celle qu’il exprimait à la fin du billet inédit à Bosc, dont nous avons parlé plus haut : « quitter Paris aussitôt qu’il le pourrait ».

Il songeait si bien à se réfugier dans la vie privée, qu’il avait repris, à sa sortie du ministère, ses réclamations de décembre 1792 et de février 1792 pour obtenir sa pension de retraite comme ancien inspecteur des manufactures, et que, sur l’intervention de Brissot auprès du Conseil exécutif provisoire, Hist. secrète de la Révolution, éd. Claretie, p. 344). Il avait en même temps, le 10 mai, congédié l’institutrice de sa fille, Mlle  Mignot, sans doute pour réduire ses dépenses (Mém., I, 417).

Le seul incident marquant survenu durant ces quatre mois dans la vie des Roland est la saisie de leurs papiers, ordonnée dans la nuit du 31 mars au 1er avril par le Comité de Défense générale, sous le coup de l’émotion causée par la trahison de Dumouriez[1]. Ces papiers, examinés par le Comité de Sûreté générale, communiqués à Camille Desmoulins, fournirent au redoutable journaliste plus d’un trait pour la cruelle brochure qu’il publia, vers la fin d’avril.

  1. Aulard, Salut public, II, 592. Cf. Patriote français du 1er avril, et C. Desmoulins Hist secrète de la Révolution, éd. Claretie, p. 339.