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[À BANCAL, À CLERMONT[1].]
11 septembre au soir, an ive (1792), — de Paris.

Ce que je vous envoie ci-joint vous dira tout. Cependant les bons choix des départements nous raniment, et il est évident que si les scélérats commettent ici quelque excès, ils accéléreront leur perte. Ils en préméditent encore ; cependant leur trône s’ébranle ; le corps électoral s’avilit et Rbp. [Robespierre] se dévoile. Bssot [Brissot] m’a fort grondée des recherches de nomination[2] ; il prétend que la sortie de notre ami du ministère serait une calamité publique ; mais sa santé me fait craindre la continuité de ce terrible travail, en supposant qu’il sorte de la tempête qui gronde toujours sur nos têtes.

Paine est nommé encore dans un autre département[3]. Vos missives partent.

Adieu, je n’ai pas le temps de vivre, mais j’ai toujours celui d’aimer.

  1. Lettres à Bancal, p. 349 ; — ms. 9534, fol. 184. — Bancal venait d’être élu député à la Convention, le 7 septembre, par ses concitoyens du Puy-de-Dôme, et Thomas Paine avait été élu le 8. Un autre ami de Madame Roland, Buzot, avait été élu dans l’Eure le 2 septembre, et elle lui avait écrit, probablement dans le ton des lettres qu’on vient de lire. « L’incivisme marqué de Buzot date du 13 septembre, — dit Duroy à la Convention, le 13 juin 1793, — à cette époque, il reçut une lettre de la femme Roland (on rit) ; il m’en donna lecture ; la femme Roland se plaignait que la Commune révolutionnaire avait lancé un mandat d’arrêt contre le vertueux Roland. » (Moniteur du 15 juin 1793.)
  2. Roland allait être élu dans la Somme, à la suite d’incidents compliqués. Les électeurs, ayant à remplacer deux députés démissionnaires, en avaient en même temps révoqué deux autres à peine élus, et les avaient remplacés par Héraut-Séchelles et Roland. Héraut-Séchelles opta d’ailleurs pour un autre département, et Roland, après avoir écrit à la Convention, le 25 septembre, qu’il acceptait ce mandat et donnait sa démission de ministre, — ce qui provoqua l’orageuse séance du 29 septembre, où Danton mit en cause Madame Roland, – se ravisa et écrivit à l’Assemblée, le 30 : « Je reste au ministère… J’y reste, parce qu’il y a des dangers… » La Convention se décida alors à valider, le 1er octobre, les deux députés si singulièrement déposés par leurs électeurs.
  3. Par le Pas-de-Calais, pour lequel il opta.