Page:Roland Manon - Lettres (1780-1793).djvu/1227

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

II

FORMATION DU PREMIER MINISTÈRE.

C’est alors que surviennent les événements qui portèrent soudainement Roland au ministère.

La crise s’ouvrit le 9 mars, jour où la cour renvoya Narbonne, ministre de la Guerre, et le remplaça par de Grave. Dès le lendemain, 10 mars, l’Assemblée législative riposte en mettant en accusation Delessart, ministre des Affaires étrangères. Là-dessus, Cahier, ministre de l’intérieur, donne sa démission (même jour, 10 mars) ; Bertrand de Molleville, ministre de la Marine, en fait autant le 11 ; le 15, le roi appelle Lacoste à la Marine et Dumouriez aux Affaires étrangères ; il marquait suffisamment, par ce dernier choix, son intention de se rapprocher de la majorité de l’Assemblée. Dumouriez l’affermit dans cette résolution et demanda aux chefs de cette majorité — puisque les décrets[1] leur interdisaient d’être eux-mêmes ministres — de lui désigner, pour remplacer Cahier à l’Intérieur et Tarbé aux Contributions publiques, des hommes à la fois dévoués à la Révolution et capables de diriger la machine administrative. C’est chez Vergniaud, demeurant alors place Vendôme, n° 5, dans la maison d’une riche bourgeoise, Mme  Dodun, qui lui prêtait son salon[2], et qui donnait presque tous les jours des déjeuners politiques, que le choix des nouveaux ministres se débattit.

Là siégeait une sorte de comité officieux appelé le Comité de la place Vendôme, comprenant des membres de l’Assemblée et un certain nombre d’autres « patriotes ». Roland, bien qu’invité à ces réunions, y allait peu ; mais ses amis y étaient plus assidus. L’un d’eux mit en avant, pour le Ministère de l’intérieur, le nom de l’ancien inspecteur des manufactures, et le fit agréer (Mém., I, 67).

Quel est cet ami ? Madame Roland ne le nomme pas ; ailleurs (I, 243) elle dit ne pas savoir qui fit le premier la proposition. Si l’on en croit Mme  Grandchamp, Lanthenas aurait été mêlé à l’affaire.

Clavière fut désigné de même pour les Finances.

Brissot vint, dans la soirée du 21 mars, apporter à l’Hôtel Britannique des

  1. Des 19 mai 1790 et 7 avril 1791.
  2. Voir sur ce salon de Mme  Dodun la lettre 490. — Cf. Aulard, Les orateurs de la législative, I, 148. — Roland, ministre fréquentait encore la maison en septembre 1792 (Buchez, XXVIII, 75).