Page:Roland Manon - Lettres (1780-1793).djvu/1206

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

et le bennier afin qu’ils commencent lundi, que je serai rendue au Clos.

La Bourgogne a été gelée, ou coulée, ou brûlée ; le vin n’a plus de prix ; un propriétaire près de cette ville a vendu dernièrement deux ânées 40 écus.

Hâte-toi de revenir pour arranger nos affaires et y mettre l’ordre dont elles ont besoin, puis aviser au moyen de retourner souvent à Paris. Ce ne sont pas ses plaisirs que j’y ambitionne ; mais, dans la nullité du seul enfant que nous ayons, je ne conçois d’espérance d’en faire quelque chose qu’en frappant ses yeux de tant d’objets qu’il puisse en trouver quelqu’un capable de l’intéresser. J’ai trouvé une lettre de Bancal ; il n’y avait encore que l’organisation de l’assemblée électorale ; tu en sauras autant que moi, puisqu’il t’a écrit en même temps.

Bonjour à mon bon frère, à notre digne ami ; dépêchez-vous ensemble de venir respirer à l’aise et combiner ce que nous avons de mieux à faire.

Je n’écris rien à l’ami Bosc, sinon que je l’aime toujours, parce que les erreurs de mes amis[1] et surtout celles de leur sensibilité n’altèrent point mon attachement pour eux ; mais fais-le lui lire ici, car je n’ai pas le loisir de le lui adresser ; le temps me presse, quoique je me sois levée de bonne heure, et je me sens harassée.

Je m’étais promis d’écrire à Mme  Buzot[2] par ce même courrier ; elle ne saurait imaginer ma sensibilité aux témoignages d’intérêt qu’elle a bien voulu me donner ; je l’ai quittée avec une sorte de précipitation, parce qu’il fallait s’arracher, mais jamais ce moment-là ne sortira de mon cœur. Dis-lui, ainsi qu’à son digne époux, combien ils nous sont chers ; tu peux parler pour nous deux, puisque tu les aimes autant que je fais.

Je crois que le brave Brissot n’aura pas été nommé ; la partie est liée partout pour écarter les hommes redoutables par leur caractère et

  1. Voir les lettres des 2 et 3 septembre.
  2. Marie-Anne-Victoire Baudry, mariée à Buzot le 28 avril 1784, morte à Évreux le 30 juillet 1812 (Dauban, Mém. de Buzot, Introd., p. lvii-lxxiii). Voir sur elle Mém., I, 49, 66, 136, 139, et notre Appendice B.