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yeux, d’inviter les Feuillants en masse, lesquels ont répondu à cette proposition par un ajournement à quinzaine.

Enfin, si l’autre législature se forme vigoureusement, ce sera à elle d’aviser aux moyens d’épurement avant de s’unir aux Jacobins ou de faire un nouveau foyer de patriotisme.

Votre idée des courriers extraordinaires est excellente, mais il faut que l’usage en soit dirigé avec sagesse, car, s’il était une seule fois appliqué à la propagation d’une nouvelle fausse ou mal présentée, il en résulterait quelque mouvement qu’on se hâterait de saisir pour achever de décrier et pour anéantir les clubs que haïssent les dominateurs.

L’élection de Chartres est faite, elle ne présente qu’un patriote[1]. Le corps électoral de Paris se travaille terriblement ; il s’était formé un club dans lequel on a d’abord discuté Brissot. D’honnêtes citoyens l’ont défendu avec chaleur, et il fut décidé qu’on le présenterait dans le premier scrutin, en opposition à Lacépède et à Pastoret que portent les modérés et les Noirs, ou à peu près ; ses ennemis ont senti qu’il fallait diviser pour l’écarter ; ils ont employé pour dernière arme la sensation désolante de l’affaire du Champ de Mars, sa liaison avec la chaleur de Brissot, et, en profitant du faible de certains esprits à cet égard, ils ont proposé Garran.

Nul doute que les modérés ne préfèrent encore celui-ci à Brissot, d’où l’on peut présumer que, si la division des patriotes ne les sert pas à pousser Lacépède ou Pastoret, du moins elle parviendra à écarter Brissot. Je me suis rappelé, à ce sujet, la manière peu exacte, pour ne pas dire baroque, dont Garran voit l’affaire du Champ de Mars, et je me suis affligée de tout ce mélange.

L’agitation est grande à Lyon ; je ne crois pas possible d’en prévoir le résultat ; il faut attendre l’événement

J’ai lu, hier, dans le Paquebot[2], que vous seriez, un des premiers, porté au Puy-de-Dôme.

Je ne vous parle plus des opérations de l’Assemblée ; elles sont dignes de l’esprit infernal qui y règne. Dans une importante discussion de ces derniers jours, il fut impossible à nos trois patriotes d’obtenir la parole, quoique d’André la prit quatre fois dans cette même discussion.

  1. Il est probable que Madame Roland veut parler ici de Delacroix.
  2. Le paquebot, janvier-août 1791. — Voir Hatin, . 214, et Rourneux 10612.