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aux hôpitaux[1], et je crois bien à votre vigilance pour suivre diligemment cet objet.

Je me ronge les ongles chaque fois que j’apprends les nouvelles surcharges que vous donnent les inviolables par leurs minutieuses demandes de travaux sans fin, qu’ils aiment à imposer pour se donner l’air de songer à la chose et le temps de n’y rien faire.

J’en ai maintenant bien assez de Paris, du moins pour [cette] fois ; j’ai besoin d’aller voir mes arbres, après avoir vu tant de sots et de fripons. On respire et s’exalte dans le petit cercle des honnêtes gens, lorsque leur cause triomphe ; mais, quand la cabale reprend le dessus, que les manœuvres l’emportent et que l’erreur circule, il faut planter ses choux.

Notre ami vous a dit qu’il n’avait osé produire votre excellente adresse dans ce moment critique[2] ; je ne sais ce que vos députés en auront fait.

Ne songez à présent qu’à demander une autre législature, si vous voulez éviter un Long Parlement, les proscriptions de Sylla, et mille horreurs incalculables dont les échantillons arrivent chaque jour.

Adieu, éternelle amitié.

Les Jacobins se dissolvent, et l’on ne tend rien moins qu’à subjuguer ou anéantir tous les clubs ; c’est une intrigue bien profonde et bien cruelle. Tâchez de vous conserver, et, sans vous brouiller avec les Feuillants, qui vont d’ici chercher à vous capter, défiez-vous de leurs insinuations ; c’est la grande cabale dominante qui vient de les former pour ruiner les Jacobins et conduire ou annihiler leurs affiliés.

  1. Décret du 8 juillet 1791, qui accorde provisoirement des fonds pour les besoins des hôpitaux. Sur les trois millions alloués par l’Assemblée pour cet usage, la commune de Lyon allait demander trois cent mille livres (29 juillet), et Roland allait les lui obtenir (Wahl, 402-403).
  2. À Lyon, comme à Clermont, le parti avancé lançait des adresses à l’Assemblée pour demander la déchéance du Roi. Le 15 juillet, la municipalité de Lyon avait envoyé une adresse très hardie, sans l’avoir lue, d’ailleurs, en séance (mais elle existe au registre). Arrivant à Paris avant l’affaire du Champ de Mars, cette manifestation devenait une imprudence, qu’on essaya de réparer par une autre adresse, plus constitutionnelle, du 25 juillet (Wahl, 397-398).