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insister aujourd’hui et tout ce qui reste à faire. Vous n’êtes pas dans de bonnes mains que celles de Biauzat[1] pour cet objet ; il est un des plus ardents des Comités, et, lors même que vos demandes seraient arrivées à temps, je doute que la connaissance en eût été donnée à l’Assemblée ; il faut beaucoup répandre ces pétitions, les envoyer partout en nombre, car le meilleur effet qu’on puisse s’en promettre, c’est d’en éveiller et semer les idées partout pour former l’opinion.

J’en aurais long à vous dire s’il fallait vous détailler ce que j’ai vu hier, avec désespoir, de la lâcheté, du trouble des Jacobins : ils fuyaient parce qu’on disait la salle investie ; un homme effrayé a sauté, pour se sauver, dans la tribune des femmes ; je l’ai obligé d’en sortir comme il y était venu, en lui faisant honte de sa terreur. Il est vrai que l’ordre fut donné de dissoudre la Société ; cet acte tyrannique a été révoqué, on s’est contenté de fermer les grilles, de tout hérisser de baïonnettes et d’empêcher d’entrer ceux qui se présentaient ; les autres ont pu sortir à volonté, c’est ce que je n’ai fait qu’à la fin.


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[À BANCAL, À CLERMONT[2].]
20 juillet 1791, — de Paris.

Je n’ai pu retenir quelques larmes en lisant votre réponse au récit que je vous avais fait du triomphe de Brissot et de l’enthousiasme qu’il avait excité. Comme les temps sont changés ! Si les nominations se fussent faites dans les deux ou trois jours suivants, on l’eût porté à la législature comme le premier représentant ; aujourd’hui, calomnié d’une manière atroce, il semble un objet d’horreur ; sa section[3] réclame et ne veut plus l’avoir pour électeur ; les

  1. C’est la première fois que Madame Roland nomme Biauzat, mais il a déjà été question (voir lettre du 28 avril 1791) de ce compatriote de Bancal. — Gaultier de Biauzat, 1739-1815, député du Tiers de Clermont-Ferrand, était en effet un des membres les plus actifs non seulement de l’Assemblée, mais aussi des Jacobins (voir Aulard, Jacobins, t. II, et t. III, passim). Il fut, en juillet 1791, un des chefs de la scission des Feuillants, ce qui ne l’empêcha pas, en septembre, de reparaître aux Jacobins. – Voir sur lui Fr. Mègre, Les fondateurs du « Journal des débats » en 1789 (in-8°, 1865).
  2. Lettres à Bancal, p. 301 ; — ms. 9534, fol. 154-155.
  3. Brissot était électeur de la section de la Bibliothèque [depuis des Thomas