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hier qu’on n’admettrait que les députés et les personnes nécessaires au service.

On veut justifier l’atrocité de l’exécution de la loi martiale sans les formes prescrites par un coup de fusil qu’on prétend avoir été tiré, ou quelques pierres jetées à l’entrée du Champ de Mars contre les gardes apportant le drapeau rouge ; l’excuse est pitoyable pour un fait aussi atroce.


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[À BANCAL, À CLERMONT[1].].
Le soir du 18 juillet 1791, — [de Paris].

Dans la douleur qui me pénètre, je ne vois et ne cherche de consolation que dans l’exposé des faits ; la communication des sentiments qu’ils inspirent. L’erreur et la calomnie se répandent par mille moyens ; ceux qui les ont enfantés les propagent avec une incroyable rapidité. Du moins, que le petit nombre de bons citoyens qui connaissent et chérissent la vérité la transmettent soigneusement et la répètent autant qu’il leur est possible.

Une des premières mesures, ou plutôt la seule qui restât maintenant à prendre par la faction dominante pour opprimer absolument les patriotes, c’était d’enchaîner la liberté de la presse, et c’est à quoi l’on a travaillé ce matin. Une lutte pénible et longue de l’honnête Petion a fait apporter à la loi un léger amendement qui ne laisse pas que d’en diminuer beaucoup l’arbitraire. À quoi l’on est réduit de se féliciter !

Au reste, l’intrigue n’a pu parvenir à faire défendre de dire du mal des représentants, comme Garat[2] l’a proposé ; ils se méprisent trop réciproquement

  1. Lettres à Bancal, p. 296 ; — ms. 9534, fol. 152-153.
  2. Nous rencontrons ici pour la prémière fois le nom de Garat, qui reviendra si durement traité dans les lettres de 1793. Il appartient trop à l’histoire générale, pour que nous lui consacrions une notice détaillée. Il suffira de rappeler que Dominique-Joseph Garat (1749-1833), littérateur et journaliste avant 1789, député du Tiers du baillaige d’Ustaritz, puis ministre de la justice le 9 octobre 1792, ministre de l’intérieur du 19 mars au 19 août 1793, membre de l’institut, du Conseil des Anciens, du Sénat conservateur, comte de l’Empire, etc., fut un des parleurs les plus diserts et des caractères les plus faibles de la Révolution.