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lois ; le plus violent orage s’est élevé dans l’Assemblée, ce n’a été qu’en caressant son amour pour la monarchie, en disant du mal du républicanisme et de ses partisans, qu’on est venu à bout de lui faire entendre que, telle ridicule qu’en soit l’opinion, encore faut-il lui laisser un libre cours et passer à l’ordre du jour sur la dénonciation faite avec transport et appuyée avec fureur. Jugez, par cet échantillon, dans quelles mains nous sommes livrés si nous ne savons pas rompre nos lisières et conduire nos législateurs ! Nous avons cependant deux Sociétés de Tyrannicides : les Cordeliers, qui se sont déclarés tels dès les premiers instants de la fuite du Roi, et une autre de particuliers qui, ne voulant pas se nommer pour se conserver plus sûrement la faculté de porter leurs coups, se sont fait annoncer par un seul citoyen nommé Le Brun[1]. Aujourd’hui, le Cercle social discute ouvertement s’il convient ou non de conserver des rois ; c’est le seul club, après les Cordeliers, qui, dans cette capitale, ose agir aussi ouvertement. Les Jacobins, comme l’Assemblée, entrent en convulsions au nom

    nevois, homme d’esprit, y travaillait ; du Châtelet, militaire, y prêtait son nom, et Condorcet, Brissot, etc., se préparaient à y concourir. » — Il y eu plus de deux numéros. Deschiens (p. 105) dit en posséder quatre. Hatin (p. 215) dit que la Bibliothèque nationale a les trois premiers, et donne quelques détails. Le prospectus du journal, signé « Achille Duchastellet », avait été affiché, dans la matinée du 1er juillet, jusqu’à la porte et dans les corridors de l’Assemblée, et c’était ce qui motiva la motion de Malouet. On s’accorde à penser que Thomas Paine l’avait rédigée.


    Quant au hardi signataire de la pièce, Achille-François du Chastellet, le dernier descendant des Urfé, il faut saluer en lui un des généreux adeptes de la Révolution. Né en 1759, il avait fait les campagnes d’Amérique, de 1780 à 1783, comme aide de camp de Bouillé ; en octobre 1789, il était aide de camp de Lafayette, et avait servi d’intermédiaire pour une tentative de rapprochement entre ses deux chefs (Mémoire de Bouillé, édit. Barrière, p. 144). La Révolution le fit maréchal de camp le 19 mars 1792 ; grièvement blessé devant Courtrai, le 24 juin suivant, lieutenant général le 7 septembre, il faillit être ministre de la guerre (séance de la Convention du 4 février 1793, 216 voix données à du Chastellet contre 356 à Beurnonville). Mais, en raison de ses liaisons avec les Girondins, il fut arrêté le 15 septembre 1793 et écroué à la Force, où il s’empoisonna le 20 mars 1794. Champagneux, qui fut son compagnon de captivité, parle de lui avec admiration. — Voir aussi Ét. Dumon, Souvenirs sur Mirabeau, chap. xiii, xvi, xxi. Un livre récent (Achille-François de Lascaris d’Urfé, marquis du Chastellet, lieutenant général des armées de la République, 1759-1794, par A. David de Saint-Georges, Dijon, 1896, in-8o) renferme, à travers beaucoup de disgressions et de hors-d’œuvre, des renseignements d’un réel intérêt.

  1. Très probablement Lebrun-Tondu, le futur ministre du 10 août. — Il collaborait alors, avec Robert et sa femme, au Mercure national et étranger (Tourneu, 10660).