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les progrès du bon esprit[1]. Je ne saurais trop vous le répéter, les dispositions sont excellentes, il ne manque au peuple que de savoir combien l’Assemblée est faible et corrompue, afin d’y avoir moins de confiance et de prendre la résolution de la diriger. Bosc arrive de la province, il a parcouru trois départements, et ses observations s’accordent aussi très bien avec ce que nous avons recueilli de toutes parts ; il ne faut que des lumières.

Vous ferez une chose excellente si vous pouvez porter vos assemblées primaires à délibérer que, les circonstances requérant un nouvel examen de la chose publique, elles ont voulu connaître quels changements il convenait d’y apporter, et, d’après une sage discussion, ont arrêté sur telles telles considérations que l’Assemblée nationale serait priée de convoquer toutes celles du royaume pour avoir leur vœu sur la formation d’un conseil électif et temporaire, auquel serait confié le pouvoir exécutif, etc., etc… Vous avez toutes les données nécessaires pour rédiger une excellente adresse ; faites-la tirer à milliers, envoyez-la à toutes les Sociétés ; que l’opinion se forme et prenne son empire : voilà le seul moyen de salut. Représentez-vous que notre détestable Assemblée veut réintégrer le Roi ; que la faction des Lameth s’est unie avec [Lafayette[2]] ; qu’elle agit de concert avec le Comité de constitution et les modérés, et que les Noirs la fortifient. On tente de porter des atteintes à la liberté de la presse ; il y a trois jours que l’on fit une dénonciation et rendit un décret contre une édition de la déclaration du Roi ; heureusement que Buzot obtint, par amendement, de faire exprimer que c’était à cause du faux matériel commis par celui qui avait pris le nom d’une imprimerie de laquelle l’édition ne sortait pas. Aujourd’hui, autre tapage : vous saurez qu’il s’est formé une société républicaine qui doit faire un journal dont le titre annonce et le but et les principes ; Payne est à la tête ; c’est lui qui a fourni les matériaux du prospectus affiché ce matin de tous côtés, en forme d’avis, sous le nom d’un particulier de la Société[3]. Malouet a dénoncé cette affiche comme digne de toute la rigueur des

  1. Brissot n’y mit pas tant de précautions. — Voir Patriote français du 3 juillet 1791 : « Extrait de la motion de Jean-Henri Bancal, faite à la Société des Amis de la Constitution [de Clermont], les 23 et 24 juin 1791. » (Bancal y proposait la déchéance du Roi.)
  2. Le nom est biffé au manuscrit, mais reste lisible, et a d’ailleurs été rétabli de la main de Henriette Bancal.
  3. Voir sur cette manifestation républicaine, si remarquable par sa date, et sur l’orage qu’elle excita dans l’Assemblée, tous les historiens de la Révolution. Cf. Patriote français de 2 et 14 juillet 1791 ; Beaulieu, II, 509 ; Mémoire de Madame Roland, I, 60-61 : « Le projet du journal intitulé Le Républicain (et dont il n’y a eu que deux numéros) fut alors imaginé. Dumont le Ge-