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est à mes yeux le vrai signe de la force d’âme, le fruit d’une réflexion profonde, le moyen nécessaire pour concilier les hommes et répandre l’instruction, enfin la vertu des peuples libres. Nous avons tout à acquérir sur ce chapitre.

Brissot a reçu des nouvelles de M. Bridel[1] ; c’est tout ce que j’en ai pu savoir.

Quant à la question de savoir s’il faut attendre, pour rendre compte de la Société des Amis de la paix, le résultat des assemblées dont vous étiez convenu, je suis peu pour l’affirmative. Je pense d’ailleurs que, pour le meilleur effet, il convient que ce soit vous-même qui le rendiez : personne ne le ferait avec un intérêt égal et capable d’en produire un semblable.

Les prêtres s’agitent partout, comme dans votre département ; Lyon est dans une agitation extrême ; une nouvelle tentative de contre-révolution a été sur le point d’y répandre les plus grands désordres ; tous les malveillants se sont réunis pour opérer une division, afin de pouvoir cabaler avec plus de succès dans les élections. La municipalité, seule patriote, a été seule en butte aux corps administratifs et à une partie de la garde nationale, mis en jeu par les intrigants[2].

Il est difficile de présumer quel sera le résultat des élections dans une telle fermentation. Quant aux intérêts pécuniaires de cette commune, nous avons obtenu que le rapport de ce qui les concerne serait fait avant le 1er juillet ; c’est toujours plus pressant, et je ne sais ce qui pourrait arriver si l’on tardait encore de nous secourir.

On ne croit pas ici aux attaques extérieures ; le décret contre Condé doit l’arrêter ou le ramener ; l’inquiétude des peuples chez tous nos voisins arrête et contient aussi leurs tyrans. Mais, si la prochaine législature n’est pas vigou-

  1. Éd.-P. Bridel, fils d’un avocat de Chartres, avait été camarade de collège de Brissot ; mal traité par son père, il était allé s’établir professeur de français à Londres ; lorsque Brissot, en 1784, fut mis en prison pour dettes à Londres, Bridel lui rendit les services les plus affectueux (Mém. de Brissot, II, 303). Il faisait campagne avec ses généreux quakers qui ont exercé une influence si curieuse, au debut de notre Révolution, sur Brissot, Lanthenas, Bancal et leurs amis. Voir Patriote français du 1er avril 1791, aux annonces : « Histoire abrégée de l’origine et de la formation de la Société des quakers, par Guillaume Penn, traduit par M. Bredel (sic) ; in-12 de 200 pages, Paris, Legras, libraire rue Dauphine » – Voir Quérard, France litt., articles Bridel et Penn
  2. Voir, sur ces conflits de juin 1791 entre la municipalité de Lyon, conduite par les amis de Roland, et les deux Directoires du département et du district, Wahl, p. 372-382.