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Le Comité des impositions, auquel l’affaire de Lyon est confiée[1], n’a voulu entendre à rien tant qu’il a été occupé de l’assiette de la contribution ; puis, par ennui d’importunités ou pour gagner du temps, ou par raison s’il y en a, il a voulu tant et tant d’éclaircissements, dont vous savez quelque chose par le mal qu’ils vous ont donné. Ensuite il est assez d’usage dans l’Assemblée que ce qui intéresse un département soit proposé par les députés de ce département ; agir autrement est en quelque sorte aller sur les brisées les uns des autres, et l’on ne trouve point de ces hommes à caractère qui se mettent au-dessus de petits ménagements, lorsqu’un intérêt majeur le requiert. Or nos députés sont bien les gens les plus minutieux, les plus longs, les plus mous qui existent. Ils seraient fâchés qu’on agit sans eux, et trouveraient bien moyen d’en traverser une marche sur laquelle ils n’auraient pas été consultés ; mais ils ne sont pas de force à prendre la meilleure, et, soit paresse, soit incapacité, les jours passent, et les législatures se succéderaient avec eux avant qu’ils aient fait tous leurs tours.

L’art suprême est donc de se concilier, jusqu’à certain point, des agents dont on ne peut entièrement se passer, et de prendre sur soi l’action, en ayant l’air de leur en laisser le mérite. Jugez, si vous le pouvez, d’une telle situation. Il faut, dans la confiance qui dicte cette lettre, seulement entre nous, que je vous donne un échantillon de l’allure de nos gens. La nouvelle répartition des contributions charge excessivement notre malheureux département. Landine[2] n’en a pas eu la première nouvelle qu’il s’est mis en devoir de réclamer ; pour le faire avec succès, il a écrit à l’administration du département pour avoir l’état précis de l’ancienne contribution, afin d’en offrir le rappro-

  1. Le décret du 29 mars, qui avait pourvu provisoirement aux moyens d’assurer, par des sols additionnels, le service des dettes municipales, mais sans rien spécifier pour Lyon, n’avait pas, dès lors, arrêté les revendications particulières de cette ville, et Roland les poursuivait avec ténacité. (Voir Wahl, p. 350 et suiv.)
  2. Delandine (voir note de la lettre du 13 janvier 1787) ; — député du Tiers du Forez, il avait qualité pour s’occuper des affaires du département de Rhône-et-Loire dans lequel le Forez était compris. Bien qu’il votât d’ordinaire avec la droite constitutionnelle, il avait gardé d’excellentes relations avec Roland.