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l’armée et une prompte réorganisation est une mesure inévitable si nous voulons échapper à tous les maux d’une division certaine.

Avignon et tout le Comtat est désolé par les dernières horreurs d’une guerre civile et religieuse, des patriotes ont été égorgés, coupés par morceaux ; on a dansé autour de leurs restes sanglants, et un évêque est venu faire chanter le Te Deum sur leurs cadavres. L’Assemblée qui aurait dû s’enflammer à ces affreux récits, résultats de sa mollesse et de son perfide décret, a remis, ajourné le rapport de l’affaire, pour donner à Menouet[1] le temps de faire des recherches savantes dans la bibliothèque du Roi.

Enfin c’est demain que la discussion doit s’ouvrir sur ces terribles événements. Ceux des colonies sont aussi atroces, et les décrets Barnave[2] doivent les multiplier jusqu’à l’entière perte de ces établissements où nous eussions pu faire des heureux.

Hâtez-vous de faire du bien ; il n’y a dans ces temps fâcheux que la consolation de travailler à l’affranchissement des nations et à la pratique des plus grandes vertus, qu’on puisse goûter en dédommagement.

Je viens de remettre à Brissot celle de vos lettres où vous nous entretenez de la cause des malheureux noirs ; cet excellent homme et le penseur Clavière se dévouent parfaitement à la chose publique. Lanthenas est allé observer au Palais-Royal ; notre ami travaille près de moi.

Nous vous aimons et embrassons en frère et en bon ami.


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[À BRISSOT, À PARIS[3].]
Jeudi matin [28 avril 1791, — de Paris].

Jette la plume au feu, généreux Brutus, et va cultiver des laitues !…

C’est tout ce qui reste à faire aux honnêtes gens, à moins qu’une insurrec-

  1. Travertissement du nom de Malouet. Voir les Révol. de Paris, n° 95, p. 198 : « Assemblée nationale. — Séance du lundi 25 avril. — On a fait lecture de différentes lettres et adresses ; la première contenait le récit des troubles qui désolent Avignon et le Comtat ; la seconde rendait compte des évènements survenus à Saint-Domingue et entre autres, de la mort de M. Mauduit. »
  2. Les décrets Barnave sont les décrets de 8 et 28 mars 1790.
  3. Publiée en 1835 par M. de Montrel