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À BANCAL, [À LONDRES[1].]
[? avril 1791, — de Paris.]
f. lanthenas au citoyen h. bancal.

Salut !

Votre dernière, mon cher ami, nous entretenait de vos projets de fédération universelle ; et c’est là-dessus que je me propose de vous entretenir.

Nos dernières, parties il y a huit jours, vous auront appris ce que nous avons pu faire pour vous seconder, et ce que nous pensons de ce que vous pourrez faire. Il y eut le lendemain au Cercle social une rupture éclatante entre l’abbé Fauchet et Bonneville. Celui-ci fut honni par toute l’assemblée, convaincu d’avoir, dans son journal, travesti les opinions de l’abbé Fauchet pour le faire passer pour un adhérent aux idées philosophiques anti-religieuses et autres dont il le remplit. Bonneville ne put parler. Son adversaire usa de toute sa supériorité pour exciter le mépris sur sa mauvaise foi, et il y réussit complètement Cette scission ne peut que faire le plus grand tort au Cercle social, dont les travaux déjà n’avaient pas tout le développement qu’une certaine charlatanerie aurait fait croire.

Nous pensons toujours, Brissot et moi, ce que je vous ai mandé pour vos projets. La fédération des philosophes est totalement faite ; que servira de les faire convoquer, qu’à donner un éclat à des travaux qu’il est bien mieux de faire dans le silence ? Les despotes ne sont déjà que trop éveillés ; et quant à moi, je n’ai point votre sécurité. Je vous répéterai ce que je n’ai cessé de dire aux patriotes que j’ai le plus connus : c’est de la suite et de l’ensemble qu’il faut maintenant, plutôt que de l’éclat, pour établir solidement la liberté. Je ne suis à cet égard content de personne, ni de moi-même. Depuis que je suis ici, je me serais joint à Brissot d’une manière à pouvoir le seconder ; mais M. Page, dont le caractère est beaucoup formé sur l’ancien régime, nous a empêchés de trouver moyen de rien conclure. Celui-ci s’est emparé de l’imprimerie du Patriote français ; c’est sa besogne particulière, il en fait une affaire d’argent, et nous aurions voulu en avoir une qui pût nous donner moyen de répandre les lumières avec moins de frais.

Vous disiez, dans une de vos lettres, que vous consacreriez votre fortune, votre temps, votre vie au projet dont vous nous entreteniez. Si ce n’est pas une manière de dire, je pense que vous pourriez voir que le seul moyen d’arriver à quelque chose de solide est de suivre les idées que je vous ai communiquées et de se mettre en mesure pour les développer. Or, des mesures possibles, les plus puissantes me semblent être, exciter les grandes assem-

  1. Lettres à Bancal, p. 206 ; — ms. 9534, fol. 109-110. — Bancal à écrit en marge : « Reçu le lundi 25 avril 1791, rép. le 26. » Comme on le voit, la première partie de la lettre est de Lanthenas. — Nous la reproduisons, à l’exemple de l’édition de 1835, parce qu’elle est utile à la suite de la correspondance.