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J’apprends que, ce matin, le Comité diplomatique, chargé de s’informer des mesures qu’avait dû prendre le ministère pour la défense de nos frontières, a rendu compte à l’Assemblée de la réponse du ministre. Celui-ci fait savoir que l’Alsace et ses environs sont fournis de vivres pour nourrir, durant une année, dix-huit mille hommes de troupes de ligne, mais qu’il n’y en a que douze mille dans ce département et qu’il n’est pas possible d’y en envoyer davantage, parce qu’il faudrait pour cela les tirer de places et autres lieux où elles sont nécessaires.

Un silence morne a suivi cette annonce qui n’a fait naître aucune observation. Cependant Bâle et Berne donnent passage sur leurs terres aux Impériaux, et nous avons déjà des soldats allemands établis à Porentruy. On n’organise toujours point les gardes nationales ; et l’on dit tout bas manquer d’armes pour les armer. Lorsque je rapproche toutes ces circonstances de la rumeur des prêtres et de leurs suppôts, je crois la guerre civile inévitable.

Il y a de nouvelles tentatives méditées sur Lyon pour le mois de mai. Le département[1] y est mauvais, sa marche est lente et oblique ; il fait disposer un camp pour exercer les troupes de ligne et prépare à grands frais des ateliers de charité qui pourraient bien ressembler à ceux qu’entretient ici le Club monarchique.

Le ciel nous laisse la paix avec la liberté ! Mais celle-ci est bien difficile à établir avec l’autre, et malheureusement la guerre ne lui serait peut-être pas non plus favorable.

Garran est nommé membre du Tribunal de cassation [par le département des Deux-Sèvres[2]].


Post-scriptum de Bosc :

Ce que dit la ménagère est vrai, mais la conséquence qu’elle en tire ne l’est pas également à mes yeux. La position politique de l’Allemagne ne lui permet

  1. Le Conseil général du département de Rhône-et-Loire avait été élu du 7 au 15 juin 1790 (Wahl, p. 169), et déjà, dans sa lettre du 22 juin à Bancal, Madame Roland se plaignait de sa composition : « Les électeurs avaient tenu compte des aptitudes administratives et de la notoriété locale ; il est difficile de reconnaître à l’élection, considérée dans son ensemble, une couleur politique déterminé… » (Wahl). Aussi le Directoire du département ne tarda-t-il pas à entrer en lutte avec la municipalité, où les amis de Roland étaient plus nombreux (on n’en comptait guère que quatre ou cinq, Pezant, Vitet, etc., dans les trente-six membres de l’assemblée départementale).
  2. Les mots entre crochets ont été ajoutés par Bosc.