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Je vous embrasse de tout mon cœur.

Ce mardi matin[1].


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À M. HENRY BANCAL, À LONDRES[2].
7 mars 1791, — de Paris.

Nous[3] avons trouvé ici, mon cher ami, une lettre de vous que vous avez fait passer à l’ami Bosc, et qui est encore entre les mains de Brissot qui veut en faire usage. Depuis notre arrivée, nous sommes tous tellement en l’air, que nous n’avons pu vous écrire et que nous ne pouvons même pas le faire aujourd’hui longuement.

La chose publique marche ; mais il est bien besoin que les bons citoyens se réunissent pour ce moment où la fin de la Constitution fera faire les derniers efforts à tous les partis qui lui sont contraires. Vous en aurez vu quelques symptômes dans ce qui s’est dernièrement passé aux Tuileries[4]. Tout est calme dans ce moment. Madame Roland a été malade les premiers jours que nous avons été ici. Elle a cependant été à l’Assemblée nationale : elle en connaît maintenant les principaux personnages, et elle s’est convaincue que la liberté, la Constitution ne doivent pas tenir et ne tiennent pas en effet aux hommes qui ont paru le plus dans le moment de la Révolution. Elle vous en causera peut-être assez an long, si le temps le lui permet. Quant à moi, je vous dirai seulement que je fais ici de mon mieux pour provoquer des Sociétés populaires comme celles de Lyon[5]. Je ne sais le bien que vous faites en Angleterre, mais, si vous aviez été ici et si vous aviez voulu m’aider, vous auriez, je pense, été plus utile.

Les Jacobins et beaucoup de députés me semblent extrêmement changés en pis depuis que je ne les avais vus. Nous aurions eu du plaisir à juger de tout cela avec vous. Ménagez-vous, écrivez-nous. Mille saluts. Je vous serai obligé de faire mes commissions.

Voilà[6] quinze jours que je respire mon air natal ; j’ai vu de vieux parents[7], seuls débris d’une famille qui s’est presque éteinte depuis dix ans ; j’ai été, à sept lieues d’ici, visiter une digne femme dont l’amitié fut chère à ma jeunesse

  1. Cette indication nous donne la date de la lettre. Écrite avant la suivante (qui est du 7 mars), ainsi qu’on le voit par la mention de la lettre de Bancal, elle ne peut être que du mardi 1er 1791.
  2. Lettres à bancal, p. 171 ; — ms. 9534, fol. 92-93.

    Même libellé d’adresse que pour les lettres précédentes. Bancal a écrit en marge : « Reçue le samedi 19 ; répondu le vendredi 25. »

  3. Ce debut est de Lanthenas.
  4. L’affaire des Chevaliers du poignard, 28 février 1791. Voir là-dessus Aulard, II, 95.
  5. Cf. lettre 406.
  6. Madame Roland prend la plume.
  7. M. et Mme  Besnard, oncle et tante de sa mère.