rendre témoignage pour être toujours content de vous. Je souffrirais trop de penser que vous eussiez jamais quelque motif de ne pas l’être, et encore d’avoir contribué à vous procurer cet affligeant mécompte. En vous invitant à rentrer en France, j’ai suivi l’impulsion d’un sentiment qui raisonne, il est vrai, mais qui ne saisit que les choses qui lui sont favorables.
Lanthenas vous a parlé dans la sincérité de son âme ; dévoué aux soins d’un apostolat qu’il remplit avec un zèle et un oubli de soi-même vraiment admirables, il n’imagine pas qu’un citoyen français doive être ailleurs dans ce moment qu’au milieu de ses frères et occupé d’autre chose que de les servir et de les éclairer. En applaudissant à sa conduite qui ajoute à mon estime pour lui, je n’adopte pas exclusivement sa façon de penser. Je crois qu’il est plus d’une manière d’être utile, et que, dans la diversité des moyens, il est-permis à chacun de choisir ceux auxquels il se sent le plus propre. Je crois cela par raisonnement et principes ; je le croîs encore d’après ce que vous avez fait, car vous n’avez point agi à l’aventure, et vous avez voulu, autant que personne, servir votre pays[1]. Je ne sais si cette dernière preuve serait de toute évidence sur les bancs de l’école, mais je sais que le sentiment qui me la fournit est aussi sûr qu’un syllogisme. Enfin vous avez consulté Bosc sur les faits ; consultez le sévère Garran sur l’application qu’on en peut faire, et surtout consultez-vous vous-même en éloignant toute considération particulière. Aussi bien ces vents dont vous parlez me semblent ajouter un terrible poids aux raisons de demeurer. Dans tout cela, je n’aurai point la fausse délicatesse de vous cacher que je vais à Paris ; je pousserai même la franchise jusqu’à convenir que cette
- ↑ Bancal, qui depuis son séjour au Clos, se sentait — de toutes façons — tenu à distance, n’acceptait pas toujours avec résignation les conseils indirects du genre de ceux qu’on vient de lire. Sur l’autographe de cette lettre, entre les lignes, il a écrit : « Voulu ! quelle expression ! Quand on a été un Électeur toujours agissant de 1789, membre d’un premier Comité permanent, exposé à tous les dangers, à toutes les peines de la Révolution ; quand on a ensuite passé deux mois jour et nuit dans un Comité de subsistances, qui a préservé Paris de la famine, on a plus fait que vouloir. Après deux inflammations causées par ce travail extrême, j’ai été dans ma province, où je n’ai pas cessé d’être utile. J’ai travaillé pendant un an et demi pour la Révolution, sauf un mois qui pourtant ne fut pas entièrement perdu pour elle (C’est nous qui soulignons cette allusion au séjour du Clos en septembre 1790). Peut-on qu’un membre du Comité permanent qui a créé et rallié la garde nationale a plus fait pour son pays en trois jours, que d’autres pourront daire dans des années ; et ses services pour la création de la liberté seraient-ils moins grands parce qu’ils ont été courts ?… »