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[À BANCAL, À LONDRES[1].]
27 janvier 1791, — [de Lyon].

Nous[2] avons oublié, mon cher ami, de vous prier, quand vous serez à Londres, d’aller chez Mylady Egremont, Dover Street, Picadilly, vous informer où l’on doit adresser les lettres de M. Dezach, astronome du prince de Saxe-Gotha, pour qu’elles lui parviennent. Cette mylady est mariée en secondes noces avec le comte de Brhule[3], envoyé de Saxe en Angleterre, ami de l’astronome. Nous l’avons vu chez lui, en 84, quand nous fûmes à Londres. Il est répandu en Allemagne dans l’aristocratie, et nous avons pensé qu’en le provoquant à nous écrire, nous pourrions savoir peut-être ce qui s’y trame. Si vous pouvez nous avoir son adresse, quoiqu’il y ait longtemps que nous n’avons de ses nouvelles, nous renouerons correspondance avec lui.

On n’a pu obtenir de la Société des Amis de la Constitution une adresse vigoureuse à l’Assemblée nationale. Elle n’a voté que des demandes, l’organisation de la garde nationale. On a osé y soutenir que l’Assemblée nationale savait ce qu’elle avait à faire et qu’on n’avait pas d’adresse à lui faire. Venez vite, et nous combattrons ensemble ; salut.

Nous[4] allons aussi écrire en Suisse[5], dans la même intention. Les lenteurs, les délais de l’Assemblée nationale à organiser toutes les parties de la force publique sont impardonnables. Les mécontents ne se tiennent pas pour battus et ne cessent d’intriguer. Leurs petites manœuvres intérieures ne me paraissent pas fort inquiétantes, et je compterais pour rien les assemblées nocturnes qui recommencent ici et auxquelles se rend La Chapelle, précédent commandant des troupes de ligne, ne s’étant retiré de cette ville en apparence que pour s’arrêter à Trévoux, si la coalition presque universelle des évêques n’annonçait, d’une part, qu’ils espèrent le soutien des baïonnettes, et si les préparatifs d’Allemagne ne prouvaient, de l’autre, que les manifestes de tous les princes de ce côté seront suivis de tentatives. Ces conjurations du dehors et de l’intérieur ne prévaudraient pas sans doute contre une Assemblée sage, ferme et respectée ; mais cette Assemblée perd tous les jours à vue d’œil, et devient un foyer de corruption où aboutissent toutes les ressources de la liste civile, où se forment une infinité de décrets détestables, et où s’oublie l’achèvement de la Constitution.

  1. Lettres à Bancal, p. 165 ; — ms. 9534, fol. 89.
  2. Ce début est de Lanthenas.
  3. De Bruhl.
  4. De Madame Roland.
  5. Probablement à Gosse.