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dans les villes de guerre que le commandant des troupes de ligne donnerait le mot de l’ordre, et que partout-ailleurs ce serait celui de la garde nationale ? Ce point est contesté.

Les juges de Villefranche sont nommés : le digne M. Pezant, dont vous nous avez ouï parler, est président du tribunal ; Chasset[1], député, en est membre : les autres choix paraissent aussi assez sages ; ceux des juges de paix présentent partout beaucoup de difficultés.

Vous aurez reçu quelques-unes de nos précédentes qui vous tenaient au courant de nos entours. Nous demeurerons paisiblement ici jusqu’à Noël, et nous laisserons les Lyonnais ordonner leur municipalité, dans laquelle le parti aristocrate redoute terriblement de voir entrer des patriotes. [En attendant, notre curé campagnard nous débite force fagots, dont heureusement ses paroissiens se moquent[2]], et nous répandons des exemplaires de la Déclaration des droits, que l’on commence à lire. Dans mon court séjour à la ville, j’ai eu occasion de rabattre le pédantisme d’un procureur syndic[3] qui oubliait déjà que les administrateurs d’aujourd’hui ne sont que les commettants de leurs

  1. l’éditeur de 1835 a imprimé Chaslet, — Charles-Antoine Chasset (1745-1824), constituant et conventionnel, plus tard membre des Cinq-Cents, puis des Anciens, puis sénateur et comte de l’Empire.

    Né à Villefranche, avocat à la Sénéchaussée, membre de l’Académie de Villefranche (1779), échevin en 1784, nommé maire le 28 mars 1788 sur la désignation du duc d’Orléans, qui était seigneur-apanagiste du Beaujolais (Registres municipaux de Villefranche), il fut d’abord l’homme de ce prince ; c’est ainsi que nous le trouvons en 1789 secrétaire de la Maison philanthropique que le duc avait fondée à Villefranche. — Le rôle de ce savant et laborieux légiste fur considérable à la Constituante. À la Convention, il vota avec les Girondins, et, après l’attentat du 2 juin 1793, quitta Paris le 6 juillet, pour aller soulever Lyon contre la Convention  ; mais, en voyant les royalistes prendre la direction de l’insurrection lyonnaise, il sortit de la ville dans la du 23 au 24 juillet pour se retirer en Suisse. — Dès le 11 juillet, sur la motion de Couthon, il avait été décrété d’arrestation, et il fut du nombre des vingt députés mis hors la loi, comme traîtres à la patrie, par le décret du 28 juillet. Sa destinée a côtoyé celle des Roland. Mais il semble qu’il n’y ait jamais eu liaison.

  2. La phrase que nous mettons entre crochets a été biffée dans l’autographe ; les mots curé et paroissiens ont été particulièrement raturés, sans doute par Bancal.
  3. L’abbé Varenard, chantre du chapitre de Beaujeu, membre associé de l’Académie de Villefranche (1779), procureur-syndic de l’Assemblée de département en 1788, s’était engagé dans la Révolution et fut nommé en 1790 procureur-syndic du district de Villefranche. Ennemi des Roland il est fort maltraité dans une lettre de Roland à Champagneux du 6 juillet 1791, publié par M. Faugère (I, 355). — Compromis dans l’insurrection lyonnaise de